Union européenne, le déni de démocratie

, par BARNIER Louis-Marie, SITEL Francis

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Étrange construction que l’Union européenne !
Car il y a bien une construction en cours, impressionnante à plus d’un titre, par l’affirmation d’une formidable puissance économique — qui exerce une force d’aimantation sur tout son environnement : pays limitrophes de la Russie, bassin méditerranéen, Afrique... —, et aussi par l’avancée, tâtonnante et fragile, mais incontestable, d’une conscience européenne politique et culturelle. Une conscience qui se construit à travers les luttes communes ou les forums sociaux européens...

Mais Europe défigurée, toute couturée de déchirures masquées et minée d’antagonismes cachés. Certains, en haut lieu, nous expliquent que ces faiblesses tiennent à un déficit politique, répétant la métaphore du géant économique rapetissé au rang de nain politique. Et les mêmes de se lamenter quant à la paralysie entraînée par le rejet du Traité constitutionnel, dont Français et Néerlandais se sont rendus coupables en 2005... Refusant d’admettre que s’est alors exprimé le refus d’une Europe se faisant contre les peuples : la concurrence libre et non faussée ayant pour fonction de remettre en cause des structures sociales, même si souvent brinquebalantes, édifiées pour assurer des droits fondamentaux.
Tout cela sous couvert de promesse de grandeur politique ! Mais, au demeurant, qui a décrété que l’Europe devrait avoir vocation de devenir une super puissance, politique et militaire, concurrençant les États-Unis ? Certainement pas ces peuples européens, jamais invités à dire leur mot sur la question, ni même à y réfléchir !

Les cercles dirigeants avaient déjà montré qu’au sein de l’Union européenne lorsqu’un peuple (danois, par exemple) a mal voté, la solution est de le faire revoter jusqu’à ce qu’il finisse par approuver ce qu’il récusait. De leur fertile imagination technocratique est né un nouveau scénario : deux peuples ayant voté « non » à un projet de Constitution européenne, après un débat démocratique et une réflexion citoyenne sans précédent, il suffit de réécrire ce texte de manière à le rendre plus incompréhensible encore, de l’appeler mini-traité, et de le faire adopter par... le Parlement ! Une sorte de Plan B en matière de manipulation antidémocratique.
Ainsi, pas question d’essuyer un nouveau camouflet populaire. Et tant pis si, du même coup, se trouve confirmé le fait que la représentation parlementaire est en total déphasage avec l’opinion publique. Détail que cela ! Puisque l’UMP ne fait qu’obéir à un Président qui piétine ses engagements de candidat quant à l’évidente obligation de recourir à une nouvelle consultation référendaire, et que la direction du Parti socialiste a, de nouveau, décidé de s’engager en faveur du « oui », au point de ne pas demander de référendum !
Bref, puisque les élites, patronales, politiques et médiatiques, pensent pour vous, et dans leur écrasante majorité sont favorables au Traité, citoyennes et citoyens, laissez-les décider pour vous !

Et voilà pourquoi votre Union est malade...
Parce qu’on censure ce que disent les peuples qui sont l’Europe. Peuples qui s’angoissent de voir s’aggraver les régressions des droits et libertés, s’enfler le chômage, la précarité et la misère, s’exacerber la concurrence de tous contre tous... D’où ces peurs qui alimentent la montée des nationalismes, des populismes autoritaires, des divisions de mauvais augure au coeur des sociétés les plus anciennement impliquées dans la construction européenne.

L’Europe ne peut se construire harmonieusement dans le dos des citoyens, en amputant les droits sociaux et en piétinant les exigences démocratiques.
Il est donc impératif de libérer le projet européen du carcan néolibéral qui le mutile. En 2005, nous étions de celles et ceux qui militaient pour un « non » de gauche au Traité constitutionnel européen, qui signifiait un « oui » à une Europe sociale, démocratique et de solidarité internationaliste. Aujourd’hui, en janvier 2008, nous sommes aux côtés de celles et ceux qui disent à nouveau « non » à ce même traité à peine relooké, et qui exigent que le peuple soit consulté.
Un minimum de sens démocratique doit faire obligation aux parlementaires, en particulier lorsqu’ils sont de gauche, de ne pas bafouer cyniquement l’expression populaire, la nécessaire révision constitutionnelle offrant l’occasion d’imposer le recours au peuple. Il faut un référendum ! Il faut repousser le nouveau traité ! Pour ouvrir la voie à une autre construction européenne, sociale et démocratique...

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