Contribution au thème 3

Service public, laïcité et l’avenir des jeunes

, par BÉNIES Nicolas

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Le thème 3 couvre beaucoup de questions. Il en est une qui devient urgente, celle de la laïcité et de la lutte contre la montée des communautarismes. La société française, comme la plupart des sociétés des pays dits développés, se trouve profondément destructurée — défigurée — par les contre-réformes libérales. La crise de l’État providence — de la forme sociale de l’État — se traduit concrètement par la remise en cause profonde de toutes les solidarités collectives construites non seulement depuis la Libération mais aussi dans le
cours du XXe siècle. S’ensuit une attaque en règle — autant idéologique
que matérielle — contre le service public. Partout est affirmée — sans démonstration — la suprématie du privé sur le public pour légitimer tous les reculs des acquis sociaux. Du côté de l’École (du système éducatif dans son ensemble), l’application des politiques d’inspiration libérale a donné naissance à une crise de tout un modèle, spécifique à la France, le modèle d’assimilation. La culture commune s’est forgée à l’École, en même temps que dans le mouvement ouvrier (syndical et politique) partageant la même conception des valeurs de la Révolution française. Ce modèle ne répond plus. L’École arrive à des résultats qui ne sont pas négligeables quoiqu’en disent les rapporteurs de la commission Thélot, mais ne peut plus se légitimer faute d’ascenseur social. L’éclatement des classes moyennes — dont témoigne un Atlas récent « des fractures sociales », Autrement — provient de ce blocage démontrant la montée des inégalités. La « pauvreté » sur laquelle on insiste cache les réalités profondes de l’attaque centrale contre les acquis de la classe ouvrière.
Une des réponses à ce contexte de crise et de désert de solidarité se
trouve comprise dans le terme de « communautarisme ». La religion
sert de paravent à la politique qui s’évanouit du champ social. Une
religion reposant sur des dogmes simplistes pour réunir autour d’elle
des partisans, permettant de ce fait l’émergence d’une solidarité
réduite aux acquêts des participants. Les sociologues ont raison
de parler de « micro-identités fantasmées » reposant sur la différenciation d’avec les autres. Il faut désigner clairement un ennemi pour savoir qu’on est dans le camp des « Bons » face au « Mal ».
Cette montée due aux déchirements de la société nous oblige à lier le combat pour la laïcité avec la lutte contre le libéralisme. Il s’agit de redéfinir le vivre ensemble et un modèle d’intégration — et non pas d’assimilation — devant passer par l’École. La défense, l’élargissement du service public d’éducation doit être notre fil conducteur. Pour repenser la culture commune. En même temps — c’est ce que montrent Stéphane Beaud et son interlocuteur Younés Amrani dans Pays de malheur (La découverte) — les portes de la culture doivent s’ouvrir pour faire dialoguer les jeunes, les faire sortir de leur enfermement sur le quartier, pour leur faire découvrir d’autres mondes. Pour ce faire, le service public ne peut pas fonctionner selon les critères du privé, il ne peut pas accepter la concurrence avec les établissements du privé. Un service public national devient une revendication essentielle.

P.-S.

Article paru dans l’Universalité syndicaliste (supplément n° 613 du 26 janvier 2005) / Congrès national 2005 (Le Mans), cf. contributions.

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