Présidentielles françaises : où est l’espoir d’une véritable alternative à gauche ?

, par A Manca

Recommander cette page

La gauche n’a de sens que si elle incarne le droit au bonheur pour les peuples et une perspective d’épanouissement collectif et individuel à travers la défense comme la promotion d’acquis sociaux, sociétaux et environnementaux. C’est en cela que la gauche ne peut être qu’au service de ces combats et donc d’essence éco-socialiste. Cette gauche véritable est fondamentalement et stratégiquement incompatible avec les logiques capitalistes, prédatrices de ressources humaines et naturelles, menant l’Humanité à une ruine certaine.

Depuis la fin du XVIIIe siècle, et quels que furent les courants de pensée, le socialisme s’est toujours inscrit dans une double division opposant réforme et révolution et/ou autoritarisme et libertés individuelles. Les masses ont toujours su percevoir l’origine, la légitimité de ces divisions fondées sur des projets de société différents. Tout comme elles ont su comprendre que les compromis électoraux de transition, de résistance n’étaient pas nécessairement une trahison, dès lors que les objectifs politiques étaient clairs et appliqués.

C’est précisément ce qui vient de se passer au Chili, où face à l’urgence climatique, aux ravages sociaux du néo-libéralisme et à la menace de l’extrême-droite, une coalition de gauche a pris le pouvoir. Le jeune président Gabriel Boric, issu de la mouvance étudiante anticapitaliste, promet que le Chili deviendra le tombeau du néo-libéralisme en replaçant au cœur de l’action politique une meilleure redistribution des richesses, le soutien aux services publics et le retour de l’Etat face aux monopoles privés.

L’expérience grecque menée par une coalition analogue, Syriza, entre 2015 et 2019, nous montre que l’exercice du pouvoir par une gauche radicale au sein d’institutions pensées pour et par la bourgeoisie, n’offre aucune garantie de résultats.
Mais au Chili, le contexte est différent.
D’une part, ce pays n’est pas soumis à une constitution panaméricaine néo-libérale, et d’autre part une réforme constitutionnelle est en cours. Il y a toutefois une similitude entre la prise de pouvoir par les deux coalitions. Elle s’inscrit dans le prolongement d’une longue mobilisation sociale et populaire structurée principalement à travers les réseaux sociaux.

Qu’en est-il de la France, dont toute évolution politique est indissociablement liée à la résolution de la question corse ?

La gauche institutionnelle a embrassé la cause social-libérale et les gouvernements sous le mandat de François Hollande, celui qui avait promis de « faire plier la finance », ont mené quelques-unes des pires politiques antisociales et répressives contre le mouvement ouvrier. Hollande n’a pas été seulement le fossoyeur du P.S et le créateur de Macron : il est aussi le fossoyeur d’une certaine idée de la gauche au sein du peuple français.

Cette perte de sens a généré un mouvement de reflux au niveau des luttes populaires et un accroissement des postures de radicalisations populistes. Ces trahisons ont directement contribué à ce que l’Extrême-Droite soit en posture de gagner la bataille culturelle, la bataille des idées. L’énergie du désespoir pèse de plus en plus face à l’énergie de l’espoir.
Il n’y a pas de dynamique populaire en France qui verrait émerger une nouvelle génération de portes paroles de cette gauche de combat. Ce mouvement existe, mais il est parcellaire et éclaté, mis sous cloche, quand il n’est pas criminalisé, par les consortiums des médias capitalistes. Quant au mouvement des « gilets jaunes », en défiance de toute forme d’organisation politique, il a démontré sa porosité aux médias toxiques sur les réseaux sociaux et de fait, son incapacité à se fondre dans un mouvement populaire unitaire, tout cadre syndical, associatif ou politique étant désigné d’office comme un ennemi ou une entité parallèle.

La perte de sens due aux trahisons répétées de la gauche institutionnelle a favorisé cette défiance, voire cette paranoïa systémique à l’égard de toute forme d’organisation chez les personnes les plus fragilisées. Il n’y a donc pas de révolution 2.0 en vue dans l’hexagone mais plutôt une cohorte d’intoxications numériques qui renforce l’atonie du mouvement social.

Dernier paramètre, et non des moindres, les stratégies électorales des candidats prétendument de gauche. Alors qu’on comprend aisément la difficulté des héritiers du social-libéralisme comme Hidalgo, Jadot et Montebourg à réaliser une unité avec la gauche réelle, en revanche, le luxe de la multiplicité des candidatures de la gauche radicale demeure à la fois totalement incompréhensible et suicidaire, car contre-productif.
Même si on prend en compte les postures égotiques et les réels désaccords, les intérêts immédiats du monde du travail semblent passer au second plan face aux enjeux de l’heure. C’est un luxe qui pouvait être envisagé durant le dernier quart du siècle précédent, mais pas dans ce contexte d’urgence sociale et environnementale absolue.

Pour ce qui est de la prise en considération de la question corse dans la campagne par cette gauche de combat, seul le candidat de la France Insoumise s’est clairement exprimé à ce jour sur une autonomie de plein droit dans le cadre de l’article 74.
Pour les autres organisations, c’est tout simplement un dossier très éloigné de leurs préoccupations immédiates. Quand, par exemple, le NPA organise une émission en ligne sur les dernières colonies françaises, nos camarades antillais et kanaks, actualité oblige, sont invités à juste titre, mais pas de représentants corses. Cette absence s’avère d’autant plus problématique que notre peuple subit depuis sept ans un déni de démocratie et pâtit d’une vengeance d’Etat qui frappe des prisonniers politiques corses.

Malgré tous les signaux très significatifs qui montrent que cette campagne ne permet aucunement de dégager une dynamique à gauche, nous sommes conscients des menaces de nature différente que représente le retour d’un pouvoir néolibéral ou l’émergence d’un pouvoir national-populiste en France.
Il est donc impossible de rester les bras croisés devant des périls.

Nous sommes convaincus qu’aucune rupture avec le capitalisme n’est possible sans l’émergence d’un mouvement populaire et social structuré en Corse, en France comme dans le reste du monde. Face à l’horizon incertain que représente cette dynamique à venir, il faut pouvoir trouver les moyens de continuer à minima à s’opposer, y compris à travers le vote démocratique.

C’est pourquoi nous demanderons à nos sympathisants d’exprimer par le vote qui leur semblera le plus opportun, un vote de résistance. Les critères qui peuvent permettre un positionnement de notre part sont multiples :
— La clarté sur l’anti-racisme et l’anti-fascisme (ex : non au refoulement des migrants, régularisation des sans-papiers)
— La satisfaction de revendications féministes (ex : à travail égal, salaire égal)
— Une rupture avec le capitalisme et la construction de l’Autogestion
— La reconnaissance des droits du peuple corse
— Le rapprochement des prisonniers politiques corses
— Une voie vers l’éco-socialisme
— Pour une Europe des travailleurs.

C’est en fonction de la présence de ces critères sur un programme que nous ferons ultérieurement connaître notre position définitive.