Université d’été de la LCR 2005 : cycle culture (25 août)

Histoire politique du cinéma

, par CHANIAL Emmanuel, DAIX Charlotte, GUIMBERT Ivan

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Ni histoire du cinéma, ni listing des films politiques, nous avons voulu montrer comment le cinéma est inextricablement lié à son contexte politique. Comment, de simple divertissement, le cinéma est devenu une arme politique, un mode de contestation, ou simplement un témoin des luttes de son époque.

1) Naissance du cinéma politique (1914-1930)

Le cinéma, né comme un pur média de divertissement populaire, est vite devenu, à l’aube du 20e siècle, et devant son rapide succès de masse, un enjeu politique important.

Aussi, à côté de l’essor du cinéma burlesque, de pur spectacle, sont très vite apparus les premiers films porteurs d’un message directement politique.

Ainsi, quasiment le premier du genre, le film italien de Giovanni Pastrone, scénarisé par Gabriele d’Annunzio, Cabiria (1914), grande fresque historique aux accents nationalistes pré-mussoliniens (la fascination du glorieux passé de la Rome antique), se veut un soutien sans équivoque à la politique interventionniste de l’Italie à l’heure de son expansion coloniale (cf. Good Morning Babylonia (1987), des frères Taviani, sur l’impact de ce film).

English : A poster of the movie The Birth of a Nation, distributed by Epoch Film Co.
Domaine public Wikipédia.

Le succès colossal de ce film inspirera notamment, aux États-Unis, D. W. Griffith, qui réalise la réponse de la jeune nation états-unienne à la vieille Europe : Naissance d’une nation (1915), qui devient vite l’un des plus gros succès mondial du cinéma de l’époque.

Ce film, raciste, se veut une nouvelle pierre dans la construction de l’identité nationale des États-Unis, post-guerre de Sécession : le Nord et le Sud, ennemis meurtris lors de la guerre de Sécession, se rejoignent enfin pour lutter contre le danger de l’homme noir, et fonder le Ku Klux Klan, sauveur de l’âme états-unienne...

Ce sera l’un des premiers films à lancer le principe de campagne massive d’affichage et de promotion à l’échelle internationale (auréolé du parfum de scandale raciste qu’il portait).

Griffith sera l’un des exemples types du cinéma réactionnaire, avec une codification formelle assez homogène : lyrisme, plans larges impressionnants (la chevauchée du KKK), montage rapide, etc.

À l’opposé, tant idéologique que filmique, apparaîtront comme en réponse, en Russie, les premiers cinéastes soviétiques : Lev Koulechov réalise son brûlot anti-états-unien, bien avant la Guerre Froide, en 1924, Les Aventures de M. West au pays des bolcheviks. Dziga Vertov (pseudonyme signifiant « la toupie virevoltante »), et son œil-caméra ou ciné-œil, filme le monde et sa vérité, de façon documentaire.

Dans l’un de ses chefs-d’œuvres, L’Homme à la caméra (1929), Dziga Vertov s’affranchit des codes narratifs du cinéma encore jeune, pour inventer littéralement un cinéma révolutionnaire, tant dans sa forme que dans son propos : mi-expérimental, mi-documentaire, l’image se veut un témoignage vivant au prolétariat des villes, que l’on suit dans sa journée de travail, dans sa vie quotidienne, capturé par le regard de l’homme à la caméra, double anonyme de Vertov.

“Sergei Eisenstein” by Suzy_yes
Licensed under CC BY-NC-ND 2.0

De même, en réponse au lyrisme nationaliste d’un Griffith, ou aux fresques moralistes chrétiennes d’un Cecil B. DeMille qui commence alors sa carrière (Les Dix Commandements (1923), puis Le Roi des rois (1927)), S. M. Eisenstein, en U.R.S.S., se lance dans une vaste « soviétographie » : réussissant à mixer le grandiose des films de Griffith à l’inventivité filmique de Vertov, il crée une nouvelle façon de faire du cinéma, de composer le cadre (réflexions sur la profondeur de champ), et invente le réalisme soviétique au cinéma, dans un projet filmique au service de la Révolution (La Grève (1924), Le Cuirassé Potemkine (1925), Octobre (1928)).

Eisenstein et Vertov influenceront toute l’industrie naissante du cinéma soviétique, et auront de dignes successeurs, comme Alexandre Medvedkine, qui sillonnera toute l’URSS dans un train pour filmer ses compatriotes et exalter la joie de vivre des kolkhozes dans Le Bonheur (1932) ou, dans un registre plus fantaisiste, Boris Barnet, qui, avec Au bord de la Mer bleue (1935) réalise, sans doute une première, une comédie musicale humoristique à la gloire d’un kolkhoze du doux nom de « Feux du communisme » sur une île en Azerbaïdjan !

Charlie Chaplin en 1915
P.D Jankens — Fred Chess / Domaine public Wikipédia

Loin du réalisme révolutionnaire soviétique, l’outil cinématographique deviendra pour les Surréalistes, à travers les premiers films de Luis Bunuel (Un chien andalou (1928) et L’Âge d’or (1930)), ou de Jean Cocteau (Le Sang d’un poète (1930)) un lieu d’expérimentation et de revendication, contre le classicisme déjà installé du cinéma : le rêve et une narration décousue se veulent des contre-modèles aux valeurs consuméristes de la société moderne.

Parallèlement, un réalisateur hors-normes entame sa carrière : Charlie Chaplin. Tout en reprenant les codes cinématographiques en vogue du burlesque, il va créer une œuvre très orientée politiquement (jusqu’à le faire expulser des États-Unis plus tard), avec Charlot soldat (1918), farce antimilitariste, ou Une vie de chien (1918), dénonçant les conditions de vie des classes les plus pauvres, puis avec La Ruée vers l’or (1925), qui égratigne violemment le « rêve américain »...

Après 20 ans d’existence, le cinéma est donc aussi devenu en dix ans, dès la Première Guerre mondiale, un terrain d’expression politique, reflet des conflits et des luttes de son temps.

2) Des personnages en quête d’auteur (1930-1939)

Pourtant, hors de l’Union soviétique et mis à part les fresques ouvrières d’Eisenstein, il aura fallu attendre les années 30, et la Crise, pour voir apparaître la classe ouvrière au cinéma, non plus comme masse anonyme (menaçante ou révolutionnaire, suivant les cinéastes), mais comme objet, comme sujet, comme personnage des films.

L’ouvrier naît au cinéma peu de temps après le son (le cinéma devient parlant en 1929 avec Le Chanteur de jazz, d’Alan Crosland)... pour mieux pouvoir s’exprimer et revendiquer ?

Ainsi en France, un cinéaste majeur sera le metteur en scène de l’ouvrier à l’écran : Jean Renoir.

Dès ses premiers films, Renoir installe le prolétaire comme personnage à part entière, voire principal, mais c’est surtout avec Toni (1934), que l’ouvrier accède enfin au devenir de héros de tragédie, sort cinématographique précédemment réservé aux bourgeois, aux nobles, voire aux dieux... Puis, les films se succèdent : en 1936, en plein Front Populaire, Renoir réalise quatre films, messages politiques forts aux ouvriers qui se pressent en masse dans les salles, où l’on parle enfin d’eux :
— Le Crime de M. Lange (soutenu par le groupe Octobre (dont faisait partie Jacques Prévert) qui diffuse le film à la sortie des usines), qui raconte comment, face au patron voleur, les ouvriers réquisitionnent leur entreprise et la gèrent en coopérative ;
— Les Bas-Fonds, d’après Maxime Gorki, choix d’auteur peu anodin en ces temps d’anticommunisme ;
— La Vie est à nous, où le choix politique se situe aussi au niveau de la production : film réalisé pour la campagne du Parti communiste, on y voit en guest-stars Maurice Thorez et Jacques Duclos...

Parallèlement, d’autres cinéastes, comme Jean Vigo qui stigmatise violemment l’esprit bourgeois dans À propos de Nice (1930) et ridiculise l’autoritarisme et l’arbitraire avec Zéro de conduite (1933), Marcel Carné et Le Jour se lève (1939) ou encore Jean Duvivier avec La Belle Équipe (1936), apporteront leur contribution à la lutte des classes sur grand écran.

De même, souvent à leur insu, et contre leurs propres idées politiques, de nouveaux acteurs-trices accèderont à la notoriété en devenant les porte-paroles de fiction du prolétariat : Jean Gabin et Arletty seront inséparables de l’image du prolétaire français des années 30.

Ailleurs, le temps aussi est à la lutte des classes...

Breve Storia del Cinema
Locandina francese per il film Metropolis (1927) di Fritz Lang – Domaine public Flickr.

Déjà en 1927, en Allemagne, Fritz Lang décrivait dans Metropolis une société de classes futuriste où les ouvriers travaillant dans les souterrains pour assurer le bonheur des nantis vivant dans les jardins suspendus de la ville se révoltent et triomphent.

Aux États-Unis, seuls quelques cinéastes isolés réalisent, souvent avec d’énormes difficultés de production, des films s’adressant au nouveau public massif de chômeurs et de saisonniers paupérisés par la Grande Dépression.

Charlie Chaplin poursuit son œuvre avec Les Lumières de la ville (1931) ou Les Temps modernes (1936), et manifeste une conscience aiguë des affrontements de classes, en faisant le constat de l’abrutissement des masses par le travail à la chaîne.

John Ford, avec Le Mouchard (1935) dénonce la vacuité du « rêve américain » (prétexte à la trahison politique) et soutient la jeune I.R.A. (le film trouvera comme seul financeur le père du futur président Kennedy...), et, avec Les Raisins de la Colère (1940), brosse un portrait sans concession de la lutte des classes aux États-Unis, sans aller aussi loin que Gregory La Cava et ses comédies politiques, de Gabriel au-dessus de la Maison Blanche (1933) à Mon homme Godfrey (1936).

N’oublions pas le chef-d’œuvre d’Orson Welles, Citizen Kane (1941), réflexion sur le pouvoir, et notamment le pouvoir politique, où le magnat de la presse fascisant William Randolph Hearst, propriétaire d’un empire de 28 journaux, 13 magazines, et 8 stations de radio. est figuré par le personnage de Charles Foster Kane.

“Ciudadano Kane” by Kane
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Orson Welles au travers de deux répliques au sens très clair, dévoile le contenu politique de son film : Kane explique qu’il a « de l’argent et des biens au soleil. Si je ne m’occupe pas des déshérités, peut-être quelqu’un sans argent et sans biens s’en chargera-t-il, et ce serait très fâcheux ». Ce à quoi répond Welles, par la voix du personnage de Leland, interprété par Joseph Cotten : « Ça ne va pas te plaire du tout quand tu t’apercevras que tes travailleurs considèrent que leurs droits sont dus et ne sont pas un cadeau » CQFD.

Parallèlement, Hollywood continue à produire néanmoins des films ouvertement racistes : W.S. van Dyke réalise le premier épisode de Tarzan (1932), où le fait d’être un Noir vous promet à une mort aussi certaine qu’expéditive (chute d’une falaise, crocodiles...), et Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, cinéastes passionnants par ailleurs, réalisent eux King Kong (1933), dont le propos est pour le moins ambigu.

Et il faudra attendre l’arrivée massive d’exilés autrichiens, italiens, allemands, fuyant le fascisme et le nazisme, pour voir naître aux États-Unis une véritable vague de cinéma social, où, là aussi, l’ouvrier naît au cinéma : de Josef von Sternberg (et sa vision romanesque de la lutte des classes dans Une tragédie américaine (1931)), à Ernst Lubitsch, d’Otto Preminger à Douglas Sirk, en passant par les premiers films de Billy Wilder, ces différents réalisateurs apportent leurs esthétiques mais aussi une vision du monde autre et par conséquent une capacité de contestation du « rêve américain » mis à mal par la crise de 1929.

Capra signed 1930’s
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L’exemple de Frank Capra le montre bien, réfugié italien au regard mi-acerbe mi-naïf sur la société états-unienne et dont les films sont des charges contre les pouvoirs en place, virulentes mais limitées : L’Extravagant Mr Deeds (1936) et ses hommes d’affaires véreux, Mr Smith au Sénat (1939) et sa classe politique corrompue, ou encore L’Homme de la rue (1941) et ses médias cyniques, tous glorifient par opposition l’homme simple, l’« Américain moyen » qui a du mal à joindre les deux bouts, mais dont les idées généreuses finiront par triompher des institutions livrées à un capitalisme sauvage.

Pourtant, chez Capra comme chez les autres, cet humanisme de gauche, adoptant avec ferveur la devise de leur nouveau pays d’accueil (« Un gouvernement par le peuple, pour le peuple »), ne fait qu’accompagner le New Deal, la « Nouvelle Donne » de Roosevelt, sans remettre en cause les fondements de cette société.

Pourtant, déjà, d’autres temps s’annoncent...

Quand André Malraux avec L’Espoir (1938) met son cinéma au service d’une cause, la République espagnole, il est hélas bien seul à dénoncer les dangers du fascisme...

En U.R.S.S. Eisenstein quitte le terrain des luttes pour s’adonner à un nationalisme pan-russe avec Alexandre Nevski (1938).

Seul Fritz Lang avait réalisé en précurseur le visionnaire M le maudit (1931), annonçant l’Allemagne d’Hitler, dont l’accession au pouvoir en 1933 donne naissance à un autre cinéma, et à deux personnages antagonistes : l’aryen et le juif.

Dans La Grande Illusion (1937), même Jean Renoir n’échappe pas à son époque et met en scène, inconsciemment, les clichés de l’air du temps, antisémites (le personnage de Rosenthal interprété par Marcel Dalio), anti-anglais (la séquence du tennis notamment), germanophile et interclassiste (les rapports Boeldieu/Rauffenstein).

En Allemagne, aux côtés de films antisémites de commande, tels que Le Juif Süss de Veit Harlan (1940), Leni Riefenstahl, la cinéaste officielle du régime, reprend les recettes techniques des films de Griffith et d’Eisenstein, et construit une filmographie tout à la gloire de l’aryanité : Le Triomphe de la volonté (1934) se construit autour de la complémentarité, tant visuelle que narrative, entre le leader, Hitler, et son peuple, ensemble de masses immenses et déshumanisées. Le film alterne les séquences de discours d’Hitler (15 au total...), les plans de défilés gigantesques, et les « scènes de vie » exaltant le régime, l’harmonie virile, la solidarité travailleurs/soldats sous l’égide du chef...

Polen, Truppenbesuch von Leni Riefenstahl
Bundesarchiv, Bild 146-2004-0022 / Burmeister, Oswald / CC-BY-SA 3.0 [CC BY-SA 3.0 de (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/de/deed.en)]

Riefenstahl poursuivra son œuvre épique avec les Jeux olympiques de Berlin de 1936, magnifiés dans Les Dieux du stade (1938), puis Bas-Pays (tournage commencé en 1940, film terminé en 1954) où, ne pouvant obtenir de vrais comédiens espagnols, elle utilisera des déportés gitans tirés des camps de concentration... Son influence sera considérable, et elle se trouvera notamment une descendance immédiate avec George Lucas qui la cite constamment dans son hexalogie de La Guerre des Étoiles (1er (ou 4e) épisode sorti en 1977)...

Devenu outil politique de propagande en temps de paix, le cinéma deviendra vite une machine de guerre dès 1939...

3) Le cinéma comme outil de propagande, comme outil politique (1939-1960)

Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, et les prémices de la guerre médiatique (premières utilisations de la radiophonie comme outil de propagande, par Roosevelt, Churchill, De Gaulle, etc.), le cinéma est directement mis à contribution comme outil de propagande.

D’abord, avant l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne, quelques films poussent à l’entrée en guerre contre les nazis, d’abord sous l’égide de la comédie, avec Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin, auquel s’ajoute le délirant To be or not to be (1941) d’Ernst Lubitsch, qui tous deux ridiculisent Hitler et ses séides, puis par des drames, notamment The Mortal Storm (1940) de Frank Borzage, ou le célébrissime Casablanca (1941) de Michael Curtiz, où le personnage états-unien, incarné par Humphrey Bogart, symbolise bien les États-Unis refusant de prendre parti au début du film.

Puis, après Pearl Harbour, Hollywood sort sa grosse artillerie : le général Marshall fait appel à Frank Capra, pour réaliser un film de propagande soutenant l’effort de guerre états-unien : Why we fight (1942) réunit une équipe prestigieuse (Walt Disney, l’écrivain Robert Flaherty, les réalisateurs John Huston et William Wyler, Dimitri Tiomkin pour la musique, Anatole Litvak au scénario...).

Suivront toute une vague de films anti-nazis, la plupart à but purement propagandistes, et toute l’industrie du rêve s’engagera dans la veine, jusqu’à Tex Avery et ses cartoons avec une géniale version des Trois Petits Cochons : Blitz Wolf (Très Grand Méchant Loup) (1942). (On verra même émerger quelques rares films vantant les mérites de l’allié soviétique, comme Mission to Moscow (1943) de Michael Curtiz).

À la fin de la guerre, l’Europe se reconstruit, et ses films en témoignent, particulièrement en Italie, où de nombreux cinéastes reprennent le flambeau du réalisme social, le néo-réalisme italien, et témoignent de la lente reconstruction des villes, des corps, et des esprits : Roberto Rossellini enchaîne Rome ville ouverte (1945), Paisà (1946) et Allemagne, année zéro (1947), suivi par Luchino Visconti avec La Terre tremble (1948), et Vittorio de Sica réalise son chef-d’œuvre, Le Voleur de bicyclette (1949).

Le Japon, ravagé après les deux bombes d’Hiroshima et Nagasaki, voit son industrie cinématographique exploser au travers d’une succession de films anti-nucléaires, au parti pris fantastique, souvent très kitsch (la série des Godzilla, et autres monstres crées par la fission de l’atome). Cependant, un cinéaste comme Akira Kurosawa saura bâtir dès l’immédiat après-guerre une œuvre ample, shakespearienne, exigeante, qui combine des épopées historiques comme Les Sept Samouraï (1954) ou Barberousse (1965), et des drames contemporains comme Les Salauds dorment en paix (1960), films ayant en commun une grande acuité politique et une vision très critique de la société japonaise, facilement transposable hors des frontières de l’archipel.

Mais pour les États-Unis, dont le sol n’a pas été touché, le combat continue, et l’ennemi a changé : le méchant n’est plus le blond aryen un peu guindé, mais la brute rouge sans scrupule. L’heure est à la Guerre Froide...

Dès 1939, Ernst Lubitsch avait gentiment entamé le mouvement avec la satire anti-communiste Ninotchka (1939) qui décrit avec humour le dilemme d’une austère agente du K.G.B. tombant amoureuse d’un joyeux États-Unien.

Par la suite, des centaines de films anticommunistes seront produits, la plupart d’assez faible niveau et peu imaginatifs, souvent réalisés par des tâcherons (dont le « spécialiste » Gordon Douglas, ancien réalisateur des films de Laurel et Hardy, et ses films aux titres évocateurs, La Grande Menace (1948), I was a communist for the FBI (1951) et bien d’autres).

À noter l’exceptionnelle participation de quelques grands réalisateurs comme Billy Wilder et son film Un deux trois (1953) à la gloire de la liberté version états-unienne, représentée par Coca-Cola, ou Leo McCarey avec My Son John (1952), où des parents croyants et patriotes découvrent avec horreur que leur fils est communiste.

Mais c’est surtout, avec la naissance de la lutte pour la conquête de l’espace, que le cinéma états-unien de la Guerre Froide va réaliser ses films anticommunistes les plus mémorables : la menace soviétique, plus intelligemment que dans les autres films de production courante, sera symbolisée par la menace extra-terrestre : The Thing (1951) de Christian Nyby, La Guerre des mondes (1954) de Byron Haskin, L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956) de Don Siegel, etc.

Mais il faut aussi lutter contre l’ennemi intérieur, et accompagnant le maccarthysme et la chasse aux Rouges, Hollywood fait preuve de zèle en purgeant ses rangs dans des procès retentissants, où les stars défilent pour se dénoncer mutuellement : une Liste Noire comprenant des membres supposés du Parti Communiste est publiée, et d’autres sont contraints à l’exil (Joseph Losey, Jules Dassin, Charlie Chaplin...).

Elia Kazan, ancien communiste, achète une pleine page du New York Times pour se repentir et dénoncer ses ex-camarades, et réalise une ode à la trahison, Sur les quais (1952).

On The Waterfront – Sur les quais
Trailer screenshottrailer at IMDB [Public domain], via Wikimedia Commons

Rares sont ceux qui osent braver la très puissante Commission des Activités Anti-Américaines : Humphrey Bogart, Lauren Bacall et Gene Kelly organisent des manifestations de soutien aux Dix de la Liste Noire. Fred Zinnemann réalise Le Train sifflera trois fois (1952) en réponse à Elia Kazan, stigmatisant la lâcheté, et Chaplin réalise de son exil britannique, Un roi à New York (1957), sur les ravages de l’anticommunisme aux États-Unis.

Du côté soviétique, pas de films anti-états-uniens : le choix est fait de produire un cinéma à vocation internationale, souvent mélodramatique, et jouant sur les sentiments, exportant le bonheur de vivre en U.R.S.S. Ce cinéma rencontre un certain succès de part le monde, en témoigne l’incroyable écho reçu par le mélo de Mikhaïl Kalatozov Quand passent les cigognes (1956) (et qui réalisera plus tard Soy Cuba (1964)).

Il n’y a guère qu’en France que l’on produit des films aux titres aussi évocateurs que Vive Staline l’homme que nous aimons le plus ! (1949)...

Face aux deux géants, pour la première fois, le cinéma sort de l’occidentalo-centrisme, et le Tiers-monde, en pleine lutte de décolonisation, émerge comme représentation à l’écran, même si c’est au départ sous la houlette de réalisateurs européens (Le Fleuve (1951) de Jean Renoir et India (1960) de Roberto Rossellini, ou les films anticolonialistes de René Vautier, Afrique 50 (1950), ou Jean Rouch et Les Maîtres fous (1954).

Scène extraite de la Flèche brisée
Photo of Anthony Caruso, John Lupton as Agent Tom Jeffords and Michael Ansara as Cochise from the television program Broken Arrow. ABC Television, 1957. Domaine public Wikipédia.

À leur suite, les premiers cinéastes du Tiers-Monde réaliseront leurs premiers films : Satyajit Ray en Inde (Pather Panchali (1955)), Ousmane Sembene au Sénégal (Afrique-sur-Seine, tourné... à Paris (1955)), Glauber Rocha au Brésil (Parravento (1960)), etc.

Aux États-Unis aussi, pays du western, pour la première fois, l’Indien commence à obtenir un semblant d’humanité au cinéma : fini les scalpeurs fous, les sanguinaires, l’animalité de l’homme rouge, les premiers films de décolonisation des esprits sortiront à la même période : La Flèche brisée de Delmer Daves (1950), premier du genre, puis La Porte du diable (1950) d’Anthony Mann, et La Captive aux yeux clairs (1952) d’Howard Hawks feront figures de précurseurs, même si les Indiens y sont encore interprétés par des acteurs blancs... (Anthony Quinn, Robert Taylor, Burt Lancaster).

Mais pour l’homme noir, l’afro-américain, il faudra attendre la décennie suivante pour voir émerger la fin de la ségrégation à l’écran, conjointement à la révolution des droits de l’homme et aux luttes pour l’égalité.

L’avenir du cinéma commence à se jouer loin d’Hollywood, et de nouvelles générations, partout sur la planète, comptent bien sur leur caméra pour changer le monde...

4) Guerre, décolonisation, révoltes et libération de l’écran (années 1960-1970)

À la fin des années 50, le paysage cinématographique tel qu’on le connaît depuis près de trente ans est profondément remis en cause par l’irruption d’un adversaire imprévu : la télévision. Pour le contrer, les studios hollywoodiens s’épuiseront dans des superproductions de plus en plus chères, tandis que l’on assiste partout ailleurs à une montée en puissance d’une contestation qui culminera avec l’éclosion de mouvements cinématographiques indépendants des grandes structures : Nouvelle Vague en France, Free Cinema en Angleterre, Cinema Novo en Amérique du Sud...

À l’Est, un vent de liberté souffle sur le cinéma, et l’on assiste à une certaine libéralisation qui s’achèvera avec la répression du Printemps de Prague en 1968.

Roman Polanski et Andrzej Wajda en Pologne, Jiri Menzel et Milos Forman en Tchécoslovaquie, Otar Iosseliani en Georgie, Nikita Mikhalkov et Andreï Tarkovski en Russie font à cette époque leurs premières armes mais nombre d’entre eux doivent bientôt s’exiler pour continuer leur œuvre.

En Europe, les années 60 sont celles des Trente Glorieuses, et l’on voit apparaître la première génération qui non seulement n’a pas vécu de guerre sur son sol, mais qui accède majoritairement à un certain confort matériel, jusqu’au début des années 70. Mais c’est aussi une génération qui ressent le besoin de savoir ce que ses parents ont fait pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui veut en finir avec le « vieux monde ».

En France, Bertrand Blier provoque un scandale avec Hitler... connais pas ! (1963), pendant qu’en Allemagne, Rainer Werner Fassbinder questionne le passé allemand, dans Le Mariage de Maria Braun (1979) ou Le Secret de Veronika Voss (1982) et s’interroge sur la possibilité de reconstruire une société non-barbare après le choc de la Deuxième Guerre mondiale.

Mais la mémoire est encore en travail, et une censure féroce sévit en France autour de la Guerre d’Algérie : le premier film à avoir traité de front ce que l’on appelait pudiquement les « événements », Les Réfugiés de Cécile De Cujis (1956), vaudra à la réalisatrice deux ans de prison... Jean-Luc Godard et son Petit Soldat (1963) sera pareillement censuré.

Du coup, les films français se contenteront souvent d’évoquer la guerre par ricochet, au détour des conversations, en tant que toile de fond menaçante, comme le film de Jacques Rozier, Adieu Philippine (1960), ou même Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964).

Il faudra attendre le début des années 70, dix ans après les accords d’Évian, pour voir les premiers films ouvertement critiques, comme ceux d’Yves Boisset, R.A.S. (1971), de René Vautier, Avoir vingt ans dans les Aurès (1972), ou l’adaptation du pamphlet d’Henri Alleg La Question (1976) par Laurent Heynemann.

Les pays d’Amérique latine, eux, interrogent leur présent, sous les différentes dictatures : au Brésil, Nelson Pereira dos Santos, avec Vidas secas (1963), initie le Cinema Novo, véritable manifeste politique cinématographique, suivi par Glauber Rocha avec Le Dieu noir et le Diable blond (1963), puis Antonio das Mortes (1967) ou l’Argentin Fernando Solanas avec L’Heure des brasiers (1968), qui, dans leurs films, produits collectivement hors des studios aux mains des majors d’Hollywood, dénoncent la misère humaine et la collusion entre les pouvoirs en place, les grands propriétaires terriens, et l’impérialisme états-unien.

Les États-Unis justement, en pleine guerre du Vietnam, poursuivent leur introspection sur leur barbarie passée, et notamment leurs rapports avec les Indiens, ou la construction de leur pays, dans des westerns comme Les Cheyennes (1964) de John Ford (véritable examen de conscience), Le Soldat bleu (1970) de Ralph Nelson, ou Little Big Man (1970) d’Arthur Penn, jusqu’à l’épopée très lutte de classes La Porte du paradis (1980) de Michael Cimino.

Mais il s’agit aussi d’éviter d’avoir à interroger leur barbarie présente : alors que la ségrégation vient à peine d’être abolie, la condition sociale des Noirs aux États-Unis n’a guère évolué depuis les victoires symboliques de la lutte pour leurs droits civiques, et ils restent cantonnés au cinéma dans des rôles de serviteurs (même si cela valu le premier oscar à Hattie McDaniel pour Autant en emporte le vent (1940)).

Même la première vraie star noire, Sidney Poitier, célèbre depuis Devine qui vient dîner de Stanley Kramer (1967) et Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison (1967), se contentait de camper des personnages bien sous tous rapports, présentables, issus de la classe moyenne mais davantage tolérés qu’acceptés par la société blanche dans laquelle ils évoluent.

Ne pouvant traiter ouvertement du racisme dans le film qu’il voulait faire, George Romero est contraint de passer par le cinéma de genre qui lui permet d’éviter la censure directe : dans La Nuit des morts-vivants (1968), il stigmatise les travers individualistes de la société états-unienne et de ses valeurs familiales, et s’attaque au racisme qui la gangrène : une petite fille achève sa mère adorée à coups de truelle, un frère devenu zombie revient dévorer sa sœur, pendant qu’à l’extérieur, les humains se regroupent en milices fascistes et finissent par tuer le seul personnage positif du film, ayant survécu aux zombies, mais qui a le malheur d’être noir... Il réalisera ensuite Zombie (1974), Le Jour des morts-vivants (1985) et Le Territoire des morts (2005) (cf. Rouge n° 2124).

Ce n’est qu’avec le film de Melvin van Peebles, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song (1971), classé X même à l’époque, qu’on verra apparaître ce que l’on appellera la blaxploitation, des films réalisés et joués par des Noirs états-uniens, et destinés à un public noir états-unien (viendront ensuite des nouvelles stars comme Pam Grier, ou le premier héros noir, Shaft (1971) de Gordon Parks, puis Blacula de William Crain (1972), mettant en scène un vampire noir).

México 1968
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Mais les États-Unis n’en ont pas fini avec un cinéma revendicatif, puisque les années 60 et 70 vont aussi voir apparaître une immense vague de films antiguerre, qui constituent une réponse à l’engagement au Vietnam.

Avant tout le monde, Stanley Kubrick sort Docteur Folamour (1964), au paroxysme de la guerre froide, en pleine crise des fusées à Cuba, et d’angoisse d’une guerre nucléaire. Non sans humour, il renvoie dos à dos les Russes et les États-Uniens dans une histoire où la paranoïa anticommuniste d’un militaire déclenche un scénario infernal qui va mener à la fin du monde.

Avec M.A.S.H. (1970), Robert Altman, dénonce par l’humour les horreurs de la guerre de Corée, évitant cependant de parler de la guerre en cours...

Le seul film de temps de guerre qui traitera directement du sujet sera en positif, Les Bérets verts (1968) du très républicain John Wayne. En revanche, au même moment, Brian De Palma tournera Greetings (1968) qui met en scène de façon cocasse un groupe de trois amis (dont un est interprété par Robert De Niro) qui tentent par tous les moyens d’échapper à la conscription.

Apocalypse Now - Kurtz
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Pour qu’une autre représentation de la guerre du Vietnam émerge, il faudra attendre que Francis Ford Coppola en dresse un portrait plus direct avec Apocalypse Now (1979), la même année que Michael Cimino et son Voyage au bout de l’enfer (1979), et de Hair (1979) de Milos Forman qui y dépeint sous l’angle de la comédie musicale les vastes mouvements de désertion chez la jeunesse. Ce film montre aussi la volonté de la jeunesse de l’époque de faire changer les mœurs, de créer une société libre, hors des vieux schémas. (En bout de course, Stanley Kubrick sortira Full Metal Jacket (1987), qui s’attarde longuement sur le conditionnement que subissent les jeunes appelés états-uniens chez les marines avant de partir au Vietnam s’y faire massacrer.)

Car les années 60-70 seront aussi celles d’une première libération, celle des mœurs : en effet, ces années-là voient apparaître un cinéma qui montrent des jeunes qui essaient tant bien que mal de vivre de façon alternative, à travers des expériences qui sont plus des démarches individuelles que collectives.

C’est évidemment le cas depuis L’Équipée sauvage (1953) de Laszlo Benedek ou La Fureur de vivre (1955) de Nicholas Ray, qui consacreront les jeunes idoles de la révolte que sont Marlon Brando et James Dean, mais très vite suivront des films allant encore plus loin : Easy Rider (1969) de Dennis Hopper, ou deux films qui, de deux façons très différentes, interrogent les limites des processus de domestication des instincts de la jeunesse par la société. comme Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick, ou Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975) de Milos Forman. Dans le registre de la comédie, Blake Edwards, dans La Party (1968), mettra en scène un jeune Hindou gaffeur joué par Peter Sellers qui va involontairement saborder dans un tourbillon libérateur de catastrophes une fête chez un producteur qui voulait le mettre sur liste noire.

Même le cinéma d’animation n’échappe pas à cette vague, loin des réactionnaires et très sages Walt Disney, avec le film de Ralph Berski et Rober Crumb, Fritz the Cat (1972), qui dépeint une jeunesse entre drogues et sexualité, s’amusant en marge de la société.

Affiche de Taxi Driver (Martin Scorsese)
Inconnu [Public domain], via Wikimedia Commons.

A l’opposé, certains réalisateurs résistent à ce qu’ils considèrent comme une perte des valeurs, des repères, et finalement une décadence morale : depuis Martin Scorsese, et son très ambigu Taxi Driver (1976) et son scénariste sur ce film, Paul Schrader, passé à la réalisation avec Blue Collar (1978) (un film peignant crûment la lutte des classes et les divisions entre les ouvriers dans une même usine) mais aussi auteur d’Hardcore (1979), amère réflexion sur la possibilité de se faire justice soi-même, quand on est un père de famille puritain face à la plongée de sa fille dans la pornographie, jusqu’à la vague des films-catastrophes, qui symbolisent les risques d’écroulement de la société états-unienne devant la perte de moralité (La Tour infernale de John Guillermin, Tremblement de terre de Mark Robson, ou encore 747 en péril de Jack Smight, tous sortis en 1974, après la défaite au Vietnam et dans lesquels le très réactionnaire Charlton Heston joue les sauveurs...). Il faut citer aussi les films de Charles Bronson, justicier moderne et solitaire, qui font l’apologie de l’autodéfense, la série des James Bond (1962) au machisme débridé et où la femme retrouve sa place dans la société pendant que l’homme va combattre le communisme partout sur la planète, ou encore les Inspecteur Harry (1971) de Don Siegel (déjà cité précédemment), qui manifeste clairement un rejet des mouvements libertaires de l’époque, notamment hippie (le personnage du tueur en série poursuivi par Clint Eastwood termine massacré avec, bien en évidence, sa boucle de ceinture en forme de sigle “Peace and Love”).

Mais la libération des mœurs n’est pas qu’états-unienne, et le cinéma européen n’est pas en reste : dès 1960, Federico Fellini, avec La Dolce Vita, décrit les changements de mœurs de la jeunesse dorée italienne, quand Pier Paolo Pasolini, lui, vante les mérites de la liberté individuelle et de la sexualité libre, tout en critiquant la morale bourgeoise, que ce soit avec Théorème (1968), Porcherie (1969) ou ses œuvres suivantes Le Décameron (1971) ou le choc de Salò ou les 120 journées de Sodome (1976). Mais, tout comme Fassbinder en Allemagne, il s’intéresse aux rapports de domination que cette liberté entraîne, ou permet.

En Angleterre, le cinéma se veut libre, et quelques jeunes cinéastes lancent le Free Cinema aux films très fortement marqués par une conscience sociale et une grande liberté de ton (Samedi soir et dimanche matin de Karel Reisz (1960), If (sorti en plein 1968) de Lindsay Anderson, et qui décrit la révolte armée de lycéens contre le système éducatif, allant même jusqu’à tirer sur la foule de parents et d’enseignants le jour de la remise des prix...). Peter Watkins, de son côté, poursuit une cinématographie d’une grande violence politique, qu’on peut voir à l’œuvre par exemple dans Punishment Park (1971), politique-fiction fort peu éloigné de la réalité contemporaine, dans le style d’un reportage télé, et dans Edvard Munch (1973), une biographie du peintre éponyme très bergmanienne et très élaborée dans sa narration. Par ailleurs, les inestimables Monty Python, avec leur humour absurde et corrosif, vont régler leurs comptes à quelques aspects de la société britannique notamment sur la BBC avant d’étendre leurs attaques dans le temps et l’espace avec leurs films, co-réalisés par Terry Gilliam et Terry Jones : Monty Python, sacré Graal ! (1974), Monty Python, la Vie de Brian (1979) et Monty Python, le Sens de la vie (1983), véritables charges anti-Thatcher.

Luis Bunuel, lui, s’intéresse à la contradiction entre épanouissement individuel, sexualité et morale bourgeoise et chrétienne, entre autres dans Le Charme discret de la bourgeoisie (1972), ou dans Cet obscur objet du désir (1977).

En France, les mœurs aussi évoluent, mais plus que la sexualité, ce sont les femmes qui ont besoin d’être libérées, dans la vie, comme à l’écran : la place des femmes change, elles accèdent à la contraception puis à l’IVG, et au cinéma commencent par ne plus être seulement des enjeux de séduction ou de sauvetage.

Si, dans les années 60, les cinéastes traitent, même de façon maladroite, de la condition des femmes, ces années sont celles où le métier de réalisateur, traditionnellement réservé aux hommes, se féminise massivement.

Jean-Luc Godard, avec Une femme est une femme (1961), dresse un état des lieux de la condition des femmes. Dans Deux ou Trois Choses que je sais d’elle (1967), le même Godard montre une société en mouvement, avec son urbanisation, la construction de la banlieue parisienne. L’actrice principale, Marina Vlady, interprète tour à tour son propre personnage d’actrice et celui d’une mère de famille qui se prostitue. Une façon pour Godard d’interroger la place des femmes dans cette société qui change, interrogation qui atteindra son point culminant avec le chef-d’œuvre de Jean Eustache, La Maman et la Putain (1973).

Dans le même temps, des réalisatrices apparaissent, dont certaines étaient déjà actrices ou écrivaines. Parmi elles, certaines font le choix de parler de la condition des femmes, comme Catherine Breillat (Une vraie jeune fille (1976)), Coline Serreau (Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? (1977)) ou Agnès Varda (L’une chante l’autre pas (1976)). Si les femmes ne parlent heureusement pas uniquement de la condition des femmes, leur arrivée dans les salles permet d’offrir une vision des femmes par elles-mêmes, autre que la vision extérieure et plus ou moins fantasmée des hommes (Marguerite Duras, Nelly Kaplan, Diane Kurys, Marceline Loridan, Ariane Mnouchkine, Jeanne Moreau, Françoise Sagan, Nadine Trintignant et bien d’autres).

Ébranlé par ces « révolutions » successives sur grand écran, l’establishment du cinéma va contre-attaquer dans les années 80, soutenu par les différents pouvoirs politiques en place : Hollywood finit d’absorber la génération de jeunes cinéastes rebelles qui avaient fait leurs armes hors des studios (Bogdanovich, Cimino, Coppola, Pakula...), et lance sa machine de guerre sur les écrans du monde entier pendant que Ronald Reagan lance sa propre version de la guerre des étoiles : l’âge d’or des blockbusters a commencé, et s’ils se passent dans l’espace, c’est pour mieux éviter de parler de ce qu’il se passe sur Terre : La Guerre des étoiles de George Lucas (1977), Superman de Richard Donner (1978), Tron de Steven Lisberger (1982), exaltent les valeurs familiales et morales, et vont ainsi répondre aux besoins d’utopie d’un public touché par la crise économique et le chômage, en plein âge d’or d’un néolibéralisme forcené.

De leur côté, littéralement envahies, les autres cinématographies des différents pays vont connaître un recul sans précédent. : le cinéma allemand est enterré, les studios russes font faillite, le cinéma italien meurt sous les assaut des débuts de la télévision berlusconienne, Margaret Thatcher brise dans un même élan les grèves de mineurs et le cinéma d’auteur en Angleterre, le cinéma espagnol se reconstruit lentement après l’ère franquiste.

En France, l’heure est à un cinéma de loisir, loin des préoccupations sociales (Trois hommes et un couffin (1985), Jean de Florette (1986), Le Grand Bleu (1988), etc.). Trois exceptions à cet état de fait : Chris Marker, Jean-Luc Godard et Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, qui poursuivent des filmographies très politiques, mais peu connues du grand public. Le premier tourne seul, pour Le Fond de l’air est rouge (1977), ou avec le groupe Medvedkine, qui réalisera avec des ouvriers de Sochaux ou de Besançon entre autres À bientôt j’espère (1967), Classe de lutte (1969). Le deuxième ne tourne plus dans les années 70 qu’au sein du groupe Dziga Vertov, ce qui donnera plusieurs films d’inspiration maoïste, très engagés et réflexifs, notamment Ici et Ailleurs (1974), sur le conflit israélo-palestinien, et il continuera, dans les années 80, de nouveau seul, à creuser les thèmes abordés dans cette période. Et les troisièmes tracent un sillon d’une grande cohérence éthique, esthétique et idéologique, en s’arc-boutant contre le capitalisme, par exemple dans Amerika - Rapports de classes (1984), adapté de Franz Kafka, ou plus tard, contre le fascisme, avec Sicilia ! (1998) adapté d’Elio Vittorini.

Seules résistances à l’air du temps, un cinéma LGBT, encore très underground, va émerger, conséquence des débuts de l’épidémie du sida, et la contestation politique, à l’inverse des années de guerre froide, va se nicher dans le cinéma de genre, profitant de l’essor du cinéma fantastique à la mode : sauront se greffer sur cette vague du cinéma de genre, et utiliser l’espace, le futur, ou le fantastique comme support à l’utopie quelques cinéastes talentueux comme John Carpenter qui entame aux États-Unis une cinématographie militante avec Assaut (1976), où il évoque sans le dire les émeutes de Watts, puis New York 1997 (1981) véritable film libertaire et rebelle, The Thing (1982) remake anti-reaganien du film anticommuniste des années 50, Starman (1986), sorte d’anti-E.T., ou encore Invasion Los Angeles (1988) où cette fois-ci les extra-terrestres sont des capitalistes !

Dans la même veine fantastique, Terry Gilliam adaptera de façon décalée et très personnelle le roman de George Orwell 1984 avec Brazil (1985) dont la fin, jugée trop pessimiste, sera d’abord remontée par Universal avant que le film sorte avec le dénouement cauchemardesque prévu initialement. À noter, la première apparition de Robert De Niro dans un second rôle depuis sa consécration en plombier rebelle face au totalitarisme qui va broyer le héros.

De son côté, Paul Verhoeven, émigré hollandais, infiltre le système avec des films aussi critiques que Robocop (1988) ou Total Recall (1990).

Après le foisonnement des années 60-70, les luttes ont bien disparu de l’écran au cours de l’ère des golden boys et du recul politique des années 80. Il faudra attendre une dizaine d’années pour que le cinéma renoue avec l’engagement...

5) Années 1990-2000 : un nouveau souffle ?

Suite au creux des années 80 et au recul généralisé du mouvement social, les années 90 vont offrir au cinéma une réconciliation avec la politique, un peu partout dans le monde :

En France, d’abord, l’apparition de la banlieue et de l’immigration dans la sphère politique, de la fin des années 80 au début des années 90, (avec la Marche des Beurs, S.O.S. Racisme, la création du M.I.B. ...), donneront une visibilité à de nouveaux lieux (rue, quartier, cité), et de nouveaux personnages : entre 1991 et 1995, une vague de films dits « de banlieue » vont percer l’écran, et connaître un succès public et critique.

La Haine
Alatele.fr Flickr / (CC BY-SA 2.0).

Les jeunes Français issus de l’immigration naissent au cinéma d’abord sous le regard de cinéastes « blancs » (La Haine (1995) de Mathieu Kassovitz, États des lieux (1995) puis Ma 6-T va crack-er (1997) de Jean-François Richet, Raï (1994) de Thomas Gilou, Le Gone du chaâba (1997) de Christophe Ruggia). Mais c’est aussi le vécu personnel des dits jeunes Français devenus réalisateurs qui gagnent droit de cité à l’écran, et va les amener à parler de leur histoire, de leur culture : avec des documentaires comme Mémoires d’immigrés (1997) de Yamina Benguigui, ou des fictions comme Hexagone (1993) et Douce France (1995) de Malik Chibane, Bye bye (1995) de Karim Dridi, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2002) de Rabah Ameur-Zaïmeche (un docu-fiction là encore sur la double peine), jusqu’au succès récent de L’Esquive (2002) d’Abdellatif Kechiche, précédemment réalisateur de La Faute à Voltaire (2000)).

L’immigré, de sujet, devient acteur, réalisateur, et même part de marché (installation des multiplexes en banlieue, lancement des passes cinéma et leur succès dans les quartiers).

En accompagnement de cette naissance à la fiction, les nouvelles questions sociales qui en découlent s’inviteront de plain-pied dans le cinéma avec notamment en 1997, l’Appel des 66 cinéastes contre les lois Pasqua-Debré, le court-métrage collectif, Nous sans-papiers de France (1997), ou encore le documentaire de Bertrand Tavernier, Histoire de vies brisées (2001), contre la double peine.

En Angleterre, avec l’immigration indo-pakistanaise (My Beautiful Laundrette de Stephen Frears (1985), puis Dirty Pretty Things (2002) toujours du même, Fish and Chips (2000) de Damien O’Donnell, Brothers in trouble (1996) et My Son the fanatic (1998) d’Udayan Prasad, etc.), et en Allemagne avec l’immigration turque, le cinéma connaît une évolution similaire (depuis le précurseur Tous les autres s’appellent Ali de Fassbinder (1974) jusqu’au plus récent Head on (2004) de Fatih Akin).

Parallèlement aux nouvelles luttes altermondialistes, aux grandes vagues de grèves, à l’essor du chômage de masse et de la précarité, cette décennie connaîtra aussi un regain de cinéma social, militant, très en prise avec le réel, tant dans la fiction que dans le documentaire.

D’abord par le biais de la comédie (Mohamed Bertrand-Duval (1991), d’Alex Métayer, Une époque formidable (1991), de Gérard Jugnot et La Crise (1992), de Coline Serreau), où le chômage n’est qu’un accident de parcours, puis par le drame lyrique avec le mastodonte de Leos Carax, Les Amants du Pont-neuf (1991), qui montre quasiment pour la première fois des personnages principaux vivant dans la rue.

Le cinéma de loisir, de consommation, des années 80, est vite supplanté dans le cœur du public par un cinéma du quotidien, au plus près (tant dans le sujet que par la technique filmique qui privilégie la caméra à l’épaule et le cadre rapproché), des préoccupations quotidiennes.

En Angleterre, avec bien sûr Ken Loach, précurseur des années Thatcher, mais aussi ce qu’on appellera la nouvelle vague anglaise, avec un cinéma très social, voire ouvriériste : les mineurs des Virtuoses (1997) de Mark Herman, les chômeurs de The Full Monty (1997) de Peter Cattaneo, les prolos de Mike Leigh (Naked (1993) ou All or Nothing (2002), etc.

Dans une veine directement héritée du néo-réalisme, les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne mettront en scène de façon directe, voire brutale, caméra à l’épaule, des prolétaires, des précaires, des travailleurs immigrés aspirant à une vie meilleure, notamment dans La Promesse (1996) et atteindront la reconnaissance critique (Palme d’or à Cannes) et publique avec Rosetta (1999).

Mais en France aussi, le mouvement de l’hiver 1995 connaîtra sa filiation cinématographique directe, avec bien sûr Nadia et les Hippopotames (2000) de Dominique Cabrera qui se passe pendant les grèves, mais aussi la reconnaissance tardive de Robert Guédiguian via Marius et Jeannette (1997), et ses films successifs. C’est toute une nouvelle génération de cinéastes de « lutte de classes » qui se fait jour (Laurent Cantet avec Ressources humaines (1999), Jean-Marc Moutout et Violence des échanges en milieu tempéré (2004)). Mais, surtout, fait nouveau, c’est l’apparition d’une vague sans précédent de réalisatrices, qui donnera étonnamment le plus de films en prise avec le mouvement social : Laetitia Masson (En avoir (ou pas) (1996), À vendre (1998)), Sandrine Veysset (Y aura-t-il de la neige à Noël ? (1996)), Marion Vernoux (Rien à faire (1999)), Pascale Ferran (L’Âge des possibles (1997)), Claire Denis, Laurence Ferreira-Barbosa, Agnès Merlet, Noémie Lvovsky, Catherine Breillat, Catherine Corsini, Anne Fontaine, Solveig Anspach, Brigitte Roüan, etc.

En contrepoint du cinéma de fiction sociale, très réaliste, le documentaire, grâce à des films directement politiques, connaît des succès en salle inédits.

En France, ce sont des récits de luttes, de grèves, qui occupent les écrans, celles de 68 grâce à Hervé Le Roux, avec Reprise (1997), celles des SDFs et pour le droit au logement avec Christophe Otzenberger dans Fragments sur la misère (1998), celle des mineurs de Charbons ardents (1999) de Jean-Michel Carré, et d’autres dans Paroles de Bibs (2001) de Jocelyne Lemaire-Darnaud, Metaleurop, Germinal 2003 (2003) de Jean-Michel Vennemani, Les Prolos (2003) de Marcel Trillat (carnet de voyage qui démontre à quel point l’exploitation des ouvriers est violente, les situations variées, les rapports entre ouvriers, syndicats et patronat complexes), On n’est pas des marques de vélo (2003) de Jean-Pierre Thorn, Rêve d’usine (2003) de Luc Decaster, ou par le biais de nombreux autres films, qui donnent tous au cinéma un rôle de média d’informations sociales que ne tiennent plus depuis longtemps les médias classiques.

De même, de nouvelles formes de productions cinématographiques apparaissent, comme avec les films de Pierre Carles (Pas vu pas pris (1998), Attention danger travail (2003), produits par souscriptions).

Dans le reste du monde, les films de Michael Moore (Roger et Moi (1989), The Big One (1998), Bowling for Columbine (2002), Fahrenheit 9/11 (2003)), Fernando Solanas (Mémoire d’un saccage (2004)), Patricio Guzman (Le Cas Pinochet (2001), Salvador Allende (2004)) ou récemment Mondovino (2004) de Jonathan Nossiter, Le Cauchemar de Darwin (2005), d’Hubert Sauper, The Take (2005) de Naomi Klein et Avi Lewis, composent une cinématographie globale de résistance au capitalisme et à ses effets, tant politiques, sociaux, qu’impérialistes. Enfin, la colonisation de la Palestine est abordée autant sous forme documentaire, c’est le cas de Simone Bitton avec Le Mur (2004), que sous forme de fiction, c’est le cas d’Elia Suleiman, avec Chronique d’une disparition (1996) et Intervention divine (2002).

À l’opposé, ne pouvant lutter sur le terrain du réel, Hollywood et l’establishment cinématographique proposeront des films qui vont encore plus loin dans la surenchère visuelle, grâce à l’essor des nouvelles technologies.

Mais cette fois-ci, se sentant menacé par le regain des luttes, et le succès des films de contestation, le message politique est encore plus clair, encore plus réactionnaire, et même, récupère, à l’image des T-shirts Che Guevara qui fleurissent, l’iconographie de la révolte et du clip pour mieux toucher les jeunes : David Fincher et ses films aux messages limite fascisant (Seven (1995), Fight Club (1999)), les films nationalistes de Roland Emmerich (Universal Soldier (1992), Stargate (1994), Independance Day (1996), The Patriot (2000)), le duo ultra-républicain Michael Bay-Jerry Bruckheimer (Armageddon (1997), Pearl Harbour (2001)), les faux rebelles marketés Larry et Andy Wachowski (Matrix (1er épisode sorti en 1998)) et Danny Boyle (Trainspotting (1996), La Plage (1999), etc.

Face à la dite menace de perdre la main, l’heure n’étant plus à la finesse pour les tenants de la réaction, Paul Verhoeven saura parodier intelligemment ce retour moraliste et réactionnaire dans son hilarant Starship Troopers (1998). De même, David O’Russell ne se privera pas, avec Les Rois du désert (2000), de tourner en ridicule l’invasion états-unienne de l’Irak au moment de la 1re guerre du Golfe, en présentant une poignée de marines prêts à tout pour ne pas revenir les mains vides du conflit, et en battant en brèche lui aussi un état d’esprit belliciste qui n’en était hélas qu’à ses premières armes.

Souhaitant toucher un nouveau public, plus intellectuel, les grands studios feront même appel à des réalisateurs issus du cinéma d’auteur pour leur confier des superproductions, mais ceux-ci se permettront de critiquer le système ! (Spiderman (1er épisode sorti en 2002) de Sam Raimi, X-Men (1er épisode sorti en 2000) de Bryan Singer, Le Seigneur des anneaux (1er épisode sorti en 2001) de Peter Jackson, Hulk (2002) d’Ang Lee.)

Le repli commencera à se faire sentir alors, avec la crise des studios et leur rachat divers (souvent désastreux), et c’est vers le petit écran que se dirigera alors toute la force de frappe pro-Bush, avec des séries TV comme Alias (Jennifer Garner, l’actrice principale, a ainsi pu participer à une campagne de recrutement de la CIA, gratuitement, par « pur patriotisme »), 24h, Stargate ou autres...

Mais là aussi, la révolte gronde, et des séries virulentes grignotent lentement mais sûrement les parts de marchés d’un des derniers pré carré de la pensée conformiste... Mais c’est une autre histoire...

Conclusion

Hollywood Boulevard
Thomas HawkFlickr / Attribution-NonCommercial 2.0 Generic (CC BY-NC 2.0).

En 100 ans, la bataille de l’écran a fait de nombreuses victimes, mais a aussi stimulé, en réaction, l’essor d’un véritable cinéma contestataire, libre, surtout à partir de la fin des années 60. Aujourd’hui, la chute de Ceaucescu en Roumanie, la guerre du Golfe a appris au public à prendre du recul sur les images, et les films formatés connaissent de moindres succès. De nouvelles formes de production apparaissent un peu partout, et même le petit écran connaît son vent de révolte... Mais, pour citer l’un des inventeurs du rap, Gil Scott-Heron, « la révolution ne sera pas télévisée », et le cinéma, même s’il est un bon indicateur de la pensée de son époque, dépend beaucoup de l’état des luttes dans le monde, pour vraiment devenir un cinéma révolutionnaire !

Charlotte Daix, Ivan Guimbert, Emmanuel Chanial.

Merci aux participant-e-s pour leurs remarques et suggestions.

Index des films cités

1) Naissance du cinéma politique (1914-1930)

Giovanni Pastrone, Cabiria (1914)
Paolo et Vittorio Taviani, Good Morning Babylonia (1987)
D. W. Griffith, Naissance d’une nation (1915)
Lev Koulechov, Les Aventures de M. West au pays des bolcheviks (1924)
Dziga Vertov, L’Homme à la caméra (1929)
Cecil B. DeMille, Les Dix Commandements (1923), Le Roi des Rois (1927)
S. M. Eisenstein, La Grève (1924), Le Cuirassé Potemkine (1925), Octobre (1928)
Alexandre Medvedkine, Le Bonheur (1932)
Boris Barnet, Au bord de la Mer bleue (1935)
Luis Bunuel, Un chien andalou (1928), L’Âge d’or (1930)
Jean Cocteau, Le Sang d’un poète (1930)
Charlie Chaplin, Charlot soldat (1918), Une vie de chien (1918), La Ruée vers l’or (1925)

2) Des personnages en quête d’auteur (1930-1939)

Alan Crosland, Le Chanteur de jazz (1929)
Jean Renoir, Toni (1934), Le Crime de M. Lange (1936), Une partie de campagne (1936), Les Bas-Fonds (1936), La Vie est à nous (1936)
Jean Vigo, À propos de Nice (1930), Zéro de conduite (1933)
Marcel Carné, Le Jour se lève (1939)
Jean Duvivier, La Belle Équipe (1936)
Fritz Lang, Metropolis (1927)
Charlie Chaplin, Les Lumières de la ville (1931), Les Temps modernes (1936)
John Ford Le Mouchard (1935), Les Raisins de la Colère (1940)
Gregory La Cava Gabriel, Au-dessus de la Maison Blanche (1933), Mon homme Godfrey (1936)
W.S. van Dyke, Tarzan (1932)
Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, King Kong (1933)
Orson Welles, Citizen Kane (1941)
Josef von Sternberg, Une tragédie américaine] (1931)
Frank Capra, L’Extravagant Mr Deeds (1936), Mr Smith au Sénat (1939), L’Homme de la rue (1941)
André Malraux, L’Espoir (1938)
S. M. Eisenstein, Alexandre Nevski (1938)
Fritz Lang, M le maudit (1931)
Jean Renoir, La Grande Illusion (1937)
Veit Harlan, Le Juif Süss (1940)
Leni Riefenstahl, Le Triomphe de la volonté (1934), Les Dieux du stade (1938), Bas-Pays (tournage commencé en 1940, film terminé en 1954)
George Lucas, La Guerre des Étoiles (1er ou 4e) épisode sorti en 1977)

3) Le cinéma comme outil de propagande, comme outil politique (1939-1960)

Charlie Chaplin, Le Dictateur (1940)
Ernst Lubitsch, To be or not to be (1941)
Frank Borzage, The Mortal Storm (1940)
Michael Curtiz, Casablanca (1941)
Franck Capra, Why we fight (1942)
Tex Avery, Blitz Wolf, (Très Grand Méchant Loup) (1942)
Michael Curtiz, Mission to Moscow (1943)
Roberto Rossellini, Rome ville ouverte (1945), Paisà (1946), Allemagne, année zéro (1947)
Vittorio de Sica, Le Voleur de bicyclette (1949)
Luchino Visconti, La Terre tremble (1948)
Akira Kurosawa, Les Sept Samouraï (1954), Barberousse (1965), Les Salauds dorment en paix (1960)
Ernst Lubitsch, Ninotchka (1939)
Gordon Douglas, La Grande Menace (1948), I was a communist for the FBI (1951)
Billy Wilder, Un deux trois (1953)
Leo McCarey, My Son John (1952)
Christian Nyby, The Thing (1951)
Don Siegel, L’Invasion des profanateurs de sépultures (1956)
Byron Haskin, La Guerre des mondes (1954)
Elia Kazan, Sur les quais (1952)
Fred Zinnemann, Le Train sifflera trois fois (1952)
Charlie Chaplin, Un roi à New York (1957)
Mikhaïl Kalatozov, Quand passent les cigognes (1956), Soy Cuba (1964)
Jean Renoir, Le Fleuve (1951)
Roberto Rossellini, India (1960)
René Vautier, Afrique 50 (1950)
Jean Rouch, Les Maîtres fous (1954)
Satyajit Ray, Pather Panchali (1955)
Ousmane Sembene, Afrique-sur-Seine (1955)
Glauber Rocha, Parravento (1960)
Delmer Daves, La Flèche brisée (1950)
Anthony Mann, La Porte du diable (1950)
Howard Hawks, La Captive aux yeux clairs (1952)

4) Guerre, décolonisation, révoltes et libération de l’écran (années 1960-1970)

Bertrand Blier, Hitler... connais pas ! (1963)
Rainer Werner Fassbinder, Le Mariage de Maria Braun (1979), Le Secret de Veronika Voss (1982)
Cécile De Cujis, Les Réfugiés (1956)
Jean-Luc Godard, Le Petit Soldat (1963)
Jacques Rozier, Adieu Philippine (1960)
Jacques Demy, Les Parapluies de Cherbourg (1964)
Yves Boisset, R.A.S. (1971)
René Vautier, Avoir vingt ans dans les Aurès (1972)
Laurent Heynemann, La Question (1976)
Nelson Pereira dos Santos, Vidas secas (1963)
Glauber Rocha, Le Dieu noir et le Diable blond (1963), Antonio das Mortes (1967)
Fernando Solanas, L’Heure des brasiers (1968)
John Ford, Les Cheyennes (1964)
Ralph Nelson, Le Soldat bleu (1970)
Arthur Penn, Little Big Man (1970)
Michael Cimino, La Porte du paradis (1980)
Victor Mitchell, Autant en emporte le vent (1939)
Stanley Kramer, Devine qui vient dîner... (1967)
Norman Jewison, Dans la chaleur de la nuit (1967)
George Romero, La Nuit des morts-vivants (1968), Zombie (1974), Le Jour des morts-vivants (1985), Le Territoire des morts (2005)
Melvin van Peebles, Sweet Sweetback’s Baadasssss Song (1971)
Gordon Parks, Shaft (1971)
William Crain, Blacula (1972)
Stanley Kubrick, Docteur Folamour (1964)
Robert Altman, M.A.S.H. (1970)
John Wayne, Les Bérets verts (1968)
Brian DePalma, Greetings (1968)
Francis Ford Coppola, Apocalypse Now (1979)
Michael Cimino, Voyage au bout de l’enfer (1979)
Milos Forman, Hair (1979)
Stanley Kubrick, Full Metal Jacket (1987)
Laszlo Benedek, L’Équipée sauvage (1953)
Nicholas Ray, La Fureur de vivre (1955)
Dennis Hopper, Easy Rider (1969)
Stanley Kubrick, Orange mécanique (1971)
Milos Forman, Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975)
Blake Edwards, La Party (1968)
Ralph Berski et Rober Crumb, Fritz the Cat (1972)
Martin Scorsese, Taxi Driver (1976)
Paul Schrader, Blue Collar (1978), Hardcore (1979)
John Guillermin, La Tour infernale (1974)
Mark Robson, Tremblement de terre (1974)
Jack Smight, 747 en péril (1974)
James Bond (1er épisode sorti en 1962)
Don Siegel, Inspecteur Harry (1971)
Federico Fellini, La Dolce Vita (1960)
Pier Paolo Pasolini, Théorème (1968), Porcherie (1969), Le Décameron (1971), Salo ou les 120 journées de Sodome (1976)
Karel Reisz, Samedi soir et dimanche matin (1960)
Lindsay Anderson, If (1968)
Peter Watkins, Punishment Park (1971), Edvard Munch (1973)
Monty Python (réalisation : Terry Gilliam et Terry Jones), Monty Python, sacré Graal ! (1974), Monty Python, la Vie de Brian (1979) et Monty Python, le Sens de la vie (1983)
Luis Bunuel, Le Charme discret de la bourgeoisie (1972), Cet obscur objet du désir (1977)
Jean-Luc Godard, Une femme est une femme (1961), Deux ou Trois Choses que je sais d’elle (1967)
Jean Eustache, La Maman et la Putain (1973)
Catherine Breillat, Une vraie jeune fille (1976)
Coline Serreau, Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? (1977)
Agnès Varda, L’une chante l’autre pas (1976)
Richard Donner, Superman (1978)
Steven Lisberger, Tron (1982)
Coline Serreau, Trois hommes et un couffin (1985)
Claude Berri, Jean de Florette (1986)
Luc Besson, Le Grand Bleu (1988)
Chris Marker, Le Fond de l’air est rouge (1977)
Groupe Medvedkine, À bientôt j’espère (1967), Classe de lutte (1969)
Jean-Luc Godard - groupe Dziga Vertov, Ici et Ailleurs (1974)
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Amerika - Rapports de classes (1984), Sicilia ! (1998)
John Carpenter, Assaut (1976), New York 1997 (1981), The Thing (1982), Starman (1986), Invasion Los Angeles (1988)
Terry Gilliam, Brazil (1985)
Paul Verhoeven, Robocop (1988), Total Recall (1990)

5) Années 1990-2000 : un nouveau souffle ?

Mathieu Kassovitz, La Haine (1995)
Jean-François Richet, États des lieux (1995), Ma 6-T va crack-er (1997)
Thomas Gilou, Raï (1994)
Christophe Ruggia, Le Gone du chaâba (1997)
Yamina Benguigui, Mémoires d’immigrés (1997)
Malik Chibane, Hexagone (1993), Douce France (1995)
Karim Dridi, Bye bye (1995)
Rabah Ameur-Zaïmeche, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2002)
Abdellatif Kechiche, La Faute à Voltaire (2000), L’Esquive (2002), Nous sans-papiers de France (1997)
Bertrand Tavernier, Histoire de vies brisées (2001)
Stephen Frears, My Beautiful Laundrette (1985), Dirty Pretty Things (2002)
Damien O’Donnell, Fish and Chips (2000)
Udayan Prasad, Brothers in trouble (1996), My Son the fanatic (1998)
Rainer Werner Fassbinder, Tous les autres s’appellent Ali (1974)
Fatih Akin, Head on (2004)
Alex Métayer, Mohamed Bertrand-Duval (1991)
Gérard Jugnot, Une époque formidable (1991)
Coline Serreau, La Crise (1992)
Leos Carax, Les Amants du Pont-neuf (1991)
Mark Herman, Les Virtuoses (1997)
Peter Cattaneo, The Full Monty (1997)
Mike Leigh, Naked (1993), All or Nothing (2002)
Luc et Jean-Pierre Dardenne, La Promesse (1996), Rosetta (1999).
Dominique Cabrera, Nadia et les Hippopotames (2000)
Robert Guédiguian, Marius et Jeannette (1997)
Laurent Cantet, Ressources humaines (1999)
Jean-Marc Moutout, Violence des échanges en milieu tempéré (2004)
Laetitia Masson, En avoir (ou pas) (1996), À vendre (1998)
Sandrine Veysset, Y aura-t-il de la neige à Noël ? (1996)
Marion Vernoux, Rien à faire (1999)
Pascale Ferran, L’Âge des possibles (1997)
Hervé Le Roux, Reprise (1997)
Christophe Otzenberger, Fragments sur la misère (1998)
Jean-Michel Carré, Charbons ardents (1999)
Jocelyne Lemaire-Darnaud, Paroles de Bibs (2001)
Jean-Michel Vennemani Metaleurop, Germinal 2003 (2003)
Marcel Trillat, Les Prolos (2003)
Jean-Pierre Thorn, On n’est pas des marques de vélo (2003)
Luc Decaster, Rêve d’usine (2003)
Pierre Carles, Pas vu pas pris (1998), Attention danger travail (2003)
Michael Moore, Roger et Moi (1989), The Big One (1998), Bowling for Columbine (2002), Fahrenheit 9/11 (2003)
Fernando Solanas, Mémoire d’un saccage (2004)
Patricio Guzman, Le Cas Pinochet (2001), Salvador Allende (2004)
Jonathan Nossiter, Mondovino (2004)
Hubert Sauper, Le Cauchemar de Darwin (2005)
Naomi Klein et Avi Lewis, The Take (2005)
Simone Bitton, Le Mur (2004)
Elia Suleiman, Chronique d’une disparition (1996), Intervention divine (2002)
David Fincher, Seven (1995), Fight Club (1999)
Roland Emmerich, Universal Soldier (1992), Stargate (1994), Independance Day (1996), The Patriot (2000)
Michael Bay, Armageddon (1997), Pearl Harbour (2001)
Larry et Andy Wachowski, Matrix (1er épisode sorti en 1998)
Danny Boyle Trainspotting (1996), La Plage (1999)
Paul Verhoeven, Starship Troopers (1998)
David O’Russell, Les Rois du désert (2000)
Sam Raimi, Spiderman (1er épisode sorti en 2002)
Bryan Singer, X-Men (1er épisode sorti en 2000)
Peter Jackson, Le Seigneur des anneaux (1er épisode sorti en 2001)
Ang Lee, Hulk (2002)

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