Clermont-Ferrand : Une lutte efficace contre la construction d’un incinérateur en ville

, par BOHNER Gérard, LAFFONT Alain

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Le traitement des ordures ménagères est un des problèmes écologiques
majeurs de ce début de siècle. Il concerne toute la société mais trouve une importance particulière dans l’activité des élus locaux.
Nous voudrions par cette contribution dégager la synergie entre trois terrains : l’action de l’organisation vers l’ensemble de la population, l’activité des élus, la lutte sur le terrain électoral.

Une première lutte contre l’incinérateur, 1989 à 1993.

En 1989, la question de la construction d’un incinérateur urbain s’est posée à Clermont, dans sa banlieue nord. Immédiatement a été créée une association sur le thème « Non à un incinérateur à la Combaude » (la SIIPAC).

En 1991, la CIIPAC avait pris une dimension de masse : 400 cartes,
12 000 signataires sur la pétition, 3 500 personnes mobilisées sur l’enquête publique.

Aux élections législatives de 1993, le leader local du PS, Maurice Pourchon, perdit la circonscription la plus à gauche du département, Clermont Nord. Ce fut, pour tous les observateurs, la sanction de la position du PS sur l’incinérateur.
Quelques jours plus tard, Roger Quillot jetait l’éponge et renonçait à la construction de l’incinérateur. C’était une victoire totale. Mais le refus d’envisager une solution alternative a produit la situation présente.
Sur les mots d’ordre, des différenciations apparurent avec les Verts. Notre objectif de construire un mouvement le plus large possible impliquait le mot d’ordre unificateur et clair rappelé ci-dessus. Celui-ci laissait ouverte la question de quelle perspective proposer en positif : pas d’incinérateur du tout, incinérateur ailleurs, traitement pluriel des ordures ménagères... Cette question devait être laissée de côté dans le premier temps de la lutte : il s’agissait de gagner sur un mot d’ordre unificateur, et cette question aurait constitué un facteur de division. Quant aux organisations politiques, elles pouvaient proposer des solutions positives et ainsi alimenter les débats, sans diviser. Les Verts pour leur part voulaient imposer leur solution du « Non à toute incinération ».

Le recul de Roger Quillot était liée à la perspective des échéances électorales à venir. L’élection municipale était difficile du fait de la présence probable de Giscard d’Estaing, et ajouter un affrontement sur la question de l’incinérateur, pour laquelle la mobilisation était forte et structurée dans une puissante association, représentait un trop grand risque électoral.

Sur le terrain, le rapport de force en faveur de la LCR et de l’extrême
gauche en général entrait en synergie avec la lutte, ce qui a permis de
gagner. Non seulement la lutte fut victorieuse, l’incinérateur ne fut pas
construit, mais cette victoire accrut l’audience de la LCR. C’est sur ces
bases que se constitua en 1995 la liste « Verts-Alternatifs-LCR », et
qu’elle put à la fois remporter 5,6 % des voix et fusionner sur la base d’un
accord qui écartait l’obligation de voter le budget.

La deuxième lutte contre l’incinérateur.

En 2001, la liste « LCR 100% à gauche » a abordé explicitement dans son programme municipal la question du traitement des ordures ménagères, et le refus d’un incinérateur à Clermont. Nos trois élus ont été mandatés sur cette question, à la différence de ceux de la Gauche plurielle dont le programme évitait soigneusement cette question.

Début 2002, le syndicat départemental pour le traitement des ordures
ménagères - VALTOM - proposait le choix entre trois sites pour un
incinérateur unique : Riom, Lezoux ou Clermont. Il était clair que les deux premières villes n’étaient citées que pour amuser la galerie et que Clermont serait choisie.

En juin 2002, la CIIPAC renaissait et menait la lutte « contre la construction d’un incinérateur à Puy Long ». Le même débat nous opposa aux Verts qui proposait comme mot d’ordre « Non à toute incinération et pour le tout méthanisation ! ».

La mobilisation rencontra davantage de difficultés à démarrer. Mais la perspective des municipales à venir fut encore déterminante dans les choix de la majorité Gauche plurielle.

Cette majorité, apparemment unie derrière le VALTOM, a en fait dès 2002 commencé à se lézarder sous les coups de boutoir de la CIIPAC. Dès le début Verts et LCR se sont unis quant au vote du Conseil municipal à venir sur le mot d’ordre opérationnel de « Non à l’incinérateur sur Clermont ! ». Il semble que le PS se divisa. Finalement, au printemps 2004, le maire de Clermont emportera la décision, invoquant le fait qu’il était inenvisageable que la construction ait lieu durant la campagne municipale, avec Alain Laffont pour mener la danse ! Comme quoi le poids électoral permet d’aider à la bonne résolution d’une bataille de terrain.

Le Conseil municipal de Clermont fut saisi en juin 2004 par le préfet pour que soit révisé le POS afin de permettre la construction de l’incinérateur. PS, Verts, LCR votent contre, la droite s’abstient, PCF, MDC et divers élus de gauche votent pour. A noter l’explication de vote du PC et du MDC usant d’arguments « à caractère scientifique » : une seule solution moderne, l’incinération ! C’est en fait un plaidoyer qui fleure bon « scientisme » et « marche au progrès »... La demande du préfet fut rejetée majoritairement par le Conseil.

Au Conseil communautaire, la situation fut plus délicate pour le maire de Clermont et président de Clermont Co. Bien des élus socialistes veulent un incinérateur... d’autant plus que leurs communes en sont éloignées. Mais finalement la proposition du préfet fut aussi minoritaire : en contre, une partie des élus PS, les élus LCR et Verts ; en abstention, les autres élus du PS ; en pour, la droite, le PC, le MDC et certains divers gauche.
L’explication du PC fut encore pire que celle utilisée à Clermont : il s’agissait cette fois de « savoir prendre ses responsabilités politiques ». La droite communautaire s’est rangée derrière le représentant de l’Etat et du gouvernement.

Les élus Verts et LCR ont voté la motion du président de Clermont Co, même si celle-ci laissait planer une grande ambiguïté, puisque enregistrant la pertinence des propositions générales du VALTOM. Mais une abstention aurait eu pour conséquence de faire basculer la majorité en faveur de la proposition du préfet. L’expérience du vote « taxe Tobin » au Parlement européen a été bien retenue.

Conclusion provisoire. Provisoire, car la lutte n’est ni finie, ni gagnée. Déjà le préfet soutient la position du VALTOM, alors même que le Conseil d’Etat saisi n’a pas tranché. Si ce devait être la position de l’Etat, la lutte de la CIIPAC serait renforcée des positions prises en Conseil municipal de Clermont Ferrand et à Clermont Co.

G. B. et A. L.

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