« Je vous dis aujourd’hui que les défis auxquels nous sommes confrontés sont réels, ils sont graves et nombreux », a déclaré Barak Obama, en entamant son discours d’investiture le mardi 20 janvier. « Ils ne seront pas relevés facilement ni rapidement. Mais sache, Amérique, qu’ils le seront. »
Obama qui, depuis son élection, multiplie les références au combat de Martin Luther King, à Abraham Lincoln et même aux Pères Fondateurs de la nation américaine dont, selon lui, les « idéaux éclairent toujours le monde », prétend écrire une nouvelle page de l’histoire des Etats-Unis et du monde. Son discours d’investiture est à l’image de la contradiction de son élection. Premier président noir élu aux Etats-Unis, il l’a été avec les voix des classes populaires et, de fait, son élection est un désaveu des politiques des dirigeants américains. Mais il n’en est pas moins le candidat des classes privilégiées américaines. Aussi son discours vise à entretenir l’illusion que le rêve américain est toujours possible à l’heure où le capitalisme aux Etats-Unis et dans le monde connaît la plus profonde de ses crises.
Il veut entretenir l’espoir que les choses vont changer grâce à lui. Ainsi, sur la crise, a-t-il déclaré : « La crise économique qui frappe le pays, est le fruit de la cupidité et de l’irresponsabilité de certains. » Et, comme s’il s’engageait à s’y opposer : « Un pays ne peut prospérer longtemps en ne favorisant que les plus prospères ». Mais sur le fond, ce sont bien les intérêts de la bourgeoisie américaine, la bourgeoisie la plus puissante du monde, qu’Obama défend. D’ailleurs son discours réaffirme l’essentiel, maintenir la position des Etats-Unis comme leader du monde : « nous sommes prêts à diriger à nouveau ».
Si Obama en appelle à « l’espoir plutôt que la peur, la cohésion vers l’objectif plutôt que le conflit et la discorde », cet espoir se heurte, pour la grande majorité de la population aux Etats-Unis comme dans le reste du monde, à la réalité des conséquences de la politique de la minorité capitaliste qui dirige.
Le développement de la crise financière et économique combiné à l’accentuation de l’offensive militaire d’Israël contre le peuple palestinien dessine les traits d’une nouvelle période dans laquelle se conjuguent l’aggravation des inégalités sociales, le recul des droits démocratiques et un état de guerre permanent...
Derrière les beaux discours et l’espoir qu’Obama voudrait susciter, il y a la réalité des intérêts de classe qu’il défend. Et les classes dirigeantes américaines comme du reste celle des autres pays, n’ont d’autres politiques que de préserver leur pouvoir en faisant peser le poids de la crise de leur système sur les populations.
Le rêve se brise sur la réalité !
C’est pour cela que la réponse à cette crise globale aux multiples aspects ne pourra venir d’en haut, mais bien d’en bas. Car l’histoire, ce sont les masses qui la font... pas les hommes d’Etat providentiels, quels que soient les espoirs qu’ils puissent faire naître.
Pour faire face à ce recul généralisé, les travailleurs et les populations devront se mobiliser pour changer le rapport de force et imposer l’ensemble des mesures d’urgence sociale répondant à leurs besoins.
En France, le gouvernement se ridiculise ces dernières semaines par des déclarations qui agitent le spectre des trotskistes responsables de la multiplication des mouvements sociaux. Pitoyable aveu de faiblesse que cette vision policière des mobilisations. Ces luttes, dont la journée de grève interprofessionnelle du 29 janvier peut-être une étape importante vers leur convergence, sont avant tout la conséquence d’une profonde révolte face à la multiplication des attaques. La popularité nouvelle des idées révolutionnaires fait écho à cette colère, à cette révolte.
Ici, comme aux USA, l’enjeu des luttes sociales et politiques est bien de faire payer leur crise à ceux qui en sont responsables sans se laisser étouffer par les marchands d’illusion, en faisant en sorte que l’espoir en une réelle démocratie devienne une lutte concrète, celle de la mobilisation des classes populaires et des peuples. Pouvoir imposer des mesures d’urgence indispensables contre les licenciements, pour augmenter les revenus, pose la question plus générale du contrôle par la population de la marche de la société, c’est-à-dire la question de la démocratie, du pouvoir. Faire l’histoire passe par la conquête de la démocratie qui permet aux plus larges masses de faire irruption sur le terrain où se joue leur destinée.
C’est le défi que tous ceux qui aujourd’hui se tournent vers le NPA entendent relever dans ce contexte marqué par un tournant global de la situation sociale et politique, véritable basculement du monde.
La démocratie, la question centrale
Obama tente de légitimer au nom de la démocratie, de la liberté, qui seraient les valeurs américaines des Pères fondateurs, ce qui n’est finalement que la domination de classe de la bourgeoisie américaine. Mais l’époque où cette bourgeoisie pouvait prétendre dominer le monde en leur nom est bien finie. Les dirigeants américains parlent avec hypocrisie et cynisme de démocratie et de liberté, alors que la réalité quotidienne fait de plus en plus apparaître la mondialisation comme la généralisation de la dictature d’une classe minoritaire engendrant un état de guerre sociale et militaire permanent.
La démocratie et la liberté sont incompatibles avec le pouvoir des trusts, des groupes financiers et des Etats qui, à leur service, ne défendent que les privilèges d’une minorité. Elles ne peuvent venir que des classes les plus nombreuses, des travailleurs, à travers une transformation révolutionnaire de la société, de ses institutions politiques, de son organisation économique, à travers la remise en cause du pouvoir économique et politique des classes dominantes.
Dans le même temps, pour la majorité de la population, la démocratie directe est la seule façon de défendre ses intérêts contre ceux des classes privilégiées. Car leurs intérêts, les opprimés ne pourront jamais compter que sur eux-mêmes pour les défendre. Attendre cela d’un président comme Obama serait une illusion car même si son élection est comme l’aboutissement de décennies de luttes des Noirs américains, il reste le représentant des classes dirigeantes.
La prise en compte des besoins réels de la population ne peut passer que par un contrôle démocratique exercé par la classe des salariés, elle-même, sur la marche de l’économie pour la soustraire aux intérêts de la finance et la planifier démocratiquement dans l’intérêt du plus grand nombre.
Quelle forme pourrait prendre un tel pouvoir démocratique ? Nous ne pouvons pas le décrire en détail mais ce qui est certain, c’est qu’une telle démocratie ne peut se résumer à l’élection d’un gouvernement, d’un homme d’État charismatique, dans le cadre institutionnel actuel. Un gouvernement des travailleurs et de leurs organisations ne pourrait exercer son pouvoir démocratique qu’en s’appuyant sur la mobilisation et l’organisation des travailleurs pour leur permettre d’exercer directement leur contrôle sur l’économie. C’est cela la différence essentielle avec la démocratie parlementaire tronquée, censurée par le pouvoir de la finance dont les Etats-Unis sont le modèle. Dans ce système soit disant démocratique, derrière le paravent des élections, le véritable pouvoir est confisqué par une poignée de dirigeants politiques au service des intérêts des vrais détenteurs du pouvoir, les grands groupes financiers. La mise en place d’une véritable démocratie passe par la remise en cause des cadres institutionnels actuels prétendument démocratiques. Elle passe aussi par la remise en cause du pouvoir économique et social d’une minorité.
Pas de démocratie sans politique internationaliste
Obama parle de la démocratie comme s’il défendait un idéal international alors qu’en réalité il ne fait que se placer du point de vue des intérêts américains, de leur domination sur le monde au mépris des droits des peuples. C’est le sens de sa formule « Nous sommes prêts à diriger à nouveau ». Ainsi vise-t-il à légitimer la domination des États-Unis au nom de la démocratie alors que justement cette domination s’y oppose, et prends de plus en plus le visage d’une intervention militaire américaine, d’un état de dictature armée. Cette domination est avant tout celle de la bourgeoisie américaine, une classe minoritaire qui essaie de faire peser les conséquences de la crise de son système sur le dos des populations et de ses concurrents.
La crise du système est internationale. Dans le cadre de la mondialisation, la bourgeoisie mène sa politique contre les travailleurs et les peuples à l’échelle de la planète. Un gouvernement des travailleurs qui chercherait à opposer à cette domination une véritable démocratie ne pourrait en rester aux frontières d’un pays. En particulier, ici, c’est au niveau de l’ensemble des pays européens qu’il devrait agir pour étendre cette démocratie révolutionnaire en s’appuyant sur les mobilisations sociales se développant dans chaque pays.
A l’opposé d’une Europe construite par en haut dans l’intérêt des grands trusts et de la finance, des États-Unis socialistes d’Europe, construits par des gouvernements s’appuyant sur les mobilisations des salariés de chaque pays, pourraient devenir un levier pour l’instauration de nouveaux rapports entre les peuples à l’échelle du monde. Il serait ainsi à l’origine d’une véritable remise en cause des rapports de domination impérialiste et en premier lieu de celle des États-Unis, en contribuant à impulser une transformation révolutionnaire à l’échelle de la planète.
Une politique internationaliste, dépassant le cadre étriqué des frontières pour trouver des solutions face à la crise économique, sociale, écologique, ne pourra se renforcer que par une extension sans précédent de la démocratie, c’est-à-dire en s’appuyant sur l’organisation consciente, la mobilisation et l’intervention directe des populations sur le terrain politique.
Les conflits locaux, les tensions entre les peuples, les guerres sont des produits entretenus par la domination des puissances impérialistes et leurs luttes d’influence qui, les condamnent à la misère et à un état de guerre permanent. La seule issue passe par le respect des droits des peuples et cela, il n’y a qu’une démocratie révolutionnaire, c’est-à-dire les mobilisations et l’organisation des populations, qui pourra l’imposer en remettant en cause la domination des classes dirigeantes.
Un parti, instrument de l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes
Le projet qu’Obama propose au peuple américain et au monde ne peut que se briser sur la réalité de la politique des classes dominantes qu’il sert. Avec la crise, la domination de ces classes dirigeantes ne pourra que prendre l’aspect d’une dictature de plus en plus ouverte, de plus en plus dure pour imposer de nouveaux reculs aux populations. Aux temps des discours, des promesses et des rêves ne pourra que succéder celui de la réalité de la lutte des classes.
Le bien-être, le progrès social, la démocratie et la paix ne peuvent résulter que de l’action consciente des travailleurs et des peuples.
Aujourd’hui, l’exacerbation des rapports d’exploitation fait que toute question sociale devient une question politique qui pose la question de la contestation du pouvoir des classes dirigeantes et de la mise en place d’une réelle démocratie, impliquant un contrôle direct par la population de la marche de la société.
C’est de ce projet d’une transformation révolutionnaire de la société à l’échelle de monde dont est porteur le NPA. Nous voulons construire un parti qui soit l’instrument de cette conquête du pouvoir démocratique par les travailleurs. En ce sens, ce parti sera à l’image du projet de société socialiste que nous défendons car pour nous le socialisme est avant tout un processus démocratique et révolutionnaire d’émancipation des opprimés par eux-mêmes à partir de leurs conditions réelles d’existence.
Ce parti n’est pas une fin en soi, il ne pourra que se transformer sous les effets mêmes des progrès de la lutte des classes, de la transformation collective des consciences, du développement de nouvelles formes de luttes et d’organisations...
Vers une transformation révolutionnaire de la société
L’accentuation de la crise, inévitable dans le cadre de la politique des Obama et autres dirigeants des puissances capitalistes, ouvre la perspective de l’émergence, au sein du monde du travail, de la conscience de l’impérieuse nécessité pour lui d’intervenir, directement, sur le terrain social et politique. C’est le seul rêve qui soit porteur de progrès.
C’est cela la révolution, la conquête de la démocratie par les travailleurs...
Oui, le monde à changer et ces changements nourrissent un projet émancipateur pour le XXIe siècle, celui du socialisme, du communisme. S’affirmer révolutionnaire, ce n’est pas vouloir la reproduction des révolutions du passé même si nous nous inscrivons dans leur continuité, comme dans la continuité des luttes d’émancipation. Ce que sera la révolution du XXIe siècle est à écrire mais toute l’évolution de la société montre qu’elle sera avant tout porteuse d’une exigence démocratique autrement plus moderne que les simagrées de cette « première démocratie du Monde » que sont les États-Unis !
Obama parle d’une nouvelle ère, celle de la « responsabilité »... ce n’est pas dénué d’ironie, voire de cynisme, de la part du porte parole d’une bourgeoisie américaine dont la seule morale peut se résumer à « après moi le déluge ! », et dont la seule boussole reste la défense la plus étroite de ses intérêts de classe minoritaire, quel qu’en soit le prix payé par les populations, voire l’équilibre même de la planète.
Oui, nous sommes entrés dans une nouvelle période. Si cela doit être une ère de responsabilité, pour reprendre l’expression d’Obama, alors cela voudra dire en finir avec la domination de classes qui font quotidiennement la démonstration de leur irresponsabilité sociale ! Après des décennies d’offensives, le capitalisme est entré dans une crise profonde, qui est aussi une défaite politique, la fin de l’illusion que le capitalisme est l’horizon indépassable de l’Histoire de l’Humanité. Cette perte de confiance dans le système a gagné jusqu’à ses défenseurs, et les discours d’Obama auront bien du mal, sur le long terme, à la restaurer. Les boursicoteurs ne s’y sont pas trompés, la journée d’investiture d’Obama a aussi été une nouvelle journée de chute du cours des actions ! Le libéralisme impérialiste fait aujourd’hui la démonstration à l’échelle de la planète de son incapacité à être la base d’un réel développement des sociétés humaines. Pire, il n’est capable que d’une spirale de crises, et de guerres.
Alors nous ne savons pas quelles seront les nouvelles formes de lutte et d’organisation que les salariés sauront mettre en œuvre au fur et à mesure du développement de la lutte des classes. Mais nous sommes convaincus que ces mobilisations, ces luttes, les nouvelles formes d’organisations sociales qui en naîtront donneront un contenu autrement plus profond, plus large aux aspirations démocratiques des peuples, celui de leur propre pouvoir, celui d’une démocratie révolutionnaire pour changer le monde...