« Révolté de toujours et révolutionnaire d’aujourd’hui, poète, peintre, émeutier, gigolo, grand buveur et fin conteur, ennemi déclaré du travail et de l’uniforme, Jean-Michel Mension (Alexis Violet) est à lui seul une insulte vivante à l’ordre établi ». C’est ainsi que l’éditeur de son « autobiographie » Le temps gage présentait notre camarade, mort le 6 mai des suites d’un cancer.
Si ce n’est pas encore fait, il faut absolument lire ce livre, qui déroule des pages d’histoire au fil d’une trajectoire personnelle peu commune, riche d’aventures contées avec l’humour caustique mais ravageur qui caractérisait son auteur. « Journaliste et écrivain », a justement complété la notice que Le Monde lui a consacrée le 10 mai. Mais avant tout sans doute, militant : « une figure historique de la LCR », signalait à juste titre Rouge, le journal dont Alexis a été l’un des responsables, continuant ensuite à animer régulièrement ses pages culturelles.
« Dissident » du PCF gagné avant Mai 68 au courant politique qui deviendrait plus tard la LCR, Alexis Violet y a d’abord animé la section du 15e arrondissement et les premiers pas du « travail ouvrier ». Il a été membre de la direction fédérale parisienne, de la commission nationale de contrôle, du comité central. Sans jamais se départir d’une attitude critique, rebelle face à toute logique d’appareil, hostile à tout comportement bureaucratique. Parfois avec quelque excès (ce qu’il reconnaissait), mais en assumant toujours ses contradictions. Jusqu’au fait, nous disait-il récemment en réunion, d’« être contre les partis politiques en étant dans un parti politique »...
Il était habité d’un rejet viscéral de l’État et des flics, de toutes les oppressions en particulier le racisme et l’impérialisme. Les Indigènes de la République l’ont rappelé dans leur hommage : « Anticolonialiste de la première heure, c’est lui notamment qui, au lendemain du crime d’Octobre 1961, inscrivit sur les quais de la Seine, en énormes lettres majuscules : « Ici on noie les Algériens ». Plus récemment, il fut l’un des premiers et plus fidèles soutiens des luttes du MIB contre la double peine ou contre les crimes policiers ; un opposant de la première à la dernière heure à la stigmatisation des élèves voilées et à toute mesure de prohibition à leur encontre ; un signataire de l’Appel des Indigènes de la République à une époque ou le bureau politique de son organisation déclarait le texte stérile, dangereux, voire raciste. C’est lui encore que l’on retrouve à l’initiative de l’Observatoire des libertés publiques, avec un autre grand militant : Maurice Rajsfus.
L’histoire de la LCR est pour une part celle de ses débats internes, et Alexis y a également participé activement. Notamment, au cours des années 1990, au sein de la « Tendance Révolution », l’un des (assez rares) exemples dans notre mouvement d’une tendance minoritaire ayant remporté son combat — en l’occurrence, redresser un cours qui était devenu très opportuniste. Il y a deux ans, il est arrivé à Avanti !, nous expliquant très simplement que l’orientation majoritaire n’allait toujours pas et qu’il rejoignait donc la tendance de gauche non sectaire. Nous en avons été très fiers, et ensuite nous avons beaucoup appris. Mais trop peu longtemps, hélas.
Comme à de nombreux autres camarades, Alexis Violet nous manque. C’était vraiment quelqu’un, un très grand bonhomme. On n’est pas près de l’oublier.